• A Dieu le Père donc.. (54)

    Je pénétrais dans un appartement simple mais de grande classe. Avec quelques beaux meubles anciens et des cadres aux murs qui n'étaient pas vraiment des bondieuseries. Des paysages, des portraits, des estampes. Le couloir menait à une salle à manger de chêne massif que je m'arrêtais à contempler. L'odeur de la peinture fraîche des murs était bien réelle. Le sol de tout l'appartement était recouvert de larges dalles de pierres qui certainement étaient d'époque. Avec juste quelques tapis par ci par là. David qui me suivait me mit une tape sur l'épaule. Ca fait partie des obligations. Il me fit avec un geste vague me désignant les meubles cirés à la patine d'antiquaire de la salle à manger. Mais tous les deux on se contentera de la cuisine. C'est.. Nettement plus sympa; Tu verras toi même. Je me laissais guider au travers de la longue salle à manger et ma main glissa au passage sur la table ciré. L'odeur de peinture s'estompa aussitôt que nous rentrâmes dans la cuisine. Une grande et large cuisine qui gardait tout le charme de l'ancien. Mais cela me fit plutôt penser à ce que l'on retrouve dans les revues de décoration. C'est beau chez toi. Je fis en observant ostensiblement le décor. Oui. Il répondit en se massant la nuque. C'est un des avantages de la fonction, dans les petites villes encore traditionnelles comme la nôtre. Bon. Je vais peut-être pas te faire un cours sur la question. Mais comment te dire;. Il y a mille ans d'histoire qui expliquent encore ce que tu pourras trouver ici. Je ne savais s'il parlait sérieusement ou s'il voulait simplement me faire plaisir avec une formule au goût d'éternité. Mais si j'avais à choisir je pencherais pour la seconde hypothèse. Qu'est-ce que tu bois. Il me demande sitôt ma veste posée sur le dos de la chaise devant une table « d'office » sur laquelle le couvert pour deux est déjà mis. Si ça te fait rien. Je fais. Je ne boirais que du vin. J'aime pas trop mélanger en général. Il approuva de la tête. J'ai tendance à être pareil. Rétorqua-t-il. Je déballais ma bouteille sur la table et il ricana à la vue de l'étiquette. C'est du bon. Il fit. Mais ça va t'obliger à revenir pour le déguster une autre fois. Parce que j'avais déjà prévu pour ce soir. Si tu ne m'en veux pas bien entendu. Je ne répondis pas à ce qui pouvait ressembler à une nouvelle invitation. Il y allait un peu fort. Je restais sur mes gardes quoique je me donnais du mal pour que cela ne se voit pas. Je lui proposais un coup de main mais il m'affirma que tout était déjà prêt et qu'il suffisait de servir. Je fais toujours comme ça. Ca m'agace un peu de cuisiner quand j'ai l'occasion de passer un moment avec un ami. Il affirma en apportant le vin entouré d'un chiffon humide. Tu aimes le bourgogne. Il me demanda. Je ne suis pas connaisseur pour être honnête. Je répondis. N'empêche que si c'est bon, je sais apprécier. J'ai aucun doute.. Ah.. Il Fit. C'est déjà une parole de connaisseur, très sage, si tu veux bien me croire. Je goûtais avec application mon premier verre. Que j'amenais à la lumière pour apprécier la couleur magnifique après avoir été surpris pas le goût exquis du pinard. Extraordinaire. Je fis. Tout simplement divin. Il s‘efforça de retenir un sarcasme. Tu as raison. C'est une très bonne raison de devenir croyant. Je ne veux surtout pas te contredire. Il me fallut une petite seconde pour saisir l'allusion. Mais à mon tour j'éclatais de rire, sans retenue. Écoute. Je fis quand je me calmais. Je vais te confier un secret. Chaque fois que je me suis retrouvé bourré dans la vie. Et ça m'est tout de même arrivé quelques fois. Surtout avant. Je fis en m'assombrissant. Eh bien. Je me souviens d'avoir imploré Dieu lui même de venir à mon secours et me sortir de ce cauchemar. Parce que l'alcool me réussit plutôt bien, c'est curieux à expliquer, et je dirais que la boisson m'ouvre l'esprit, me rend plus intelligent et créatif, mais jusqu'à un certain point seulement. Je suis très gai, très bien. Impeccable. Clair et intelligent... Oui.. Je peux le dire.. Et puis il y a ce damné verre de trop, à peu près toujours le même, que je ne parviendrai jamais à contrôler et qui me catapulte direct en enfer. Et c'est là que je me mets à appeler Dieu le père, quand ma tête tourne comme une toupie et que je crois devenir fou. Mais c'est bien les seules fois de ma vie, avec ces bitures donc, où je lui ai demandé quoi que ce soit de personnel parce que pour être franc c'est pas trop mon truc. J'imagine que tu t'en est déjà rendu compte. Il me fixa. Je ne voudrais pas te paraître présomptueux. Il me fit avec une certaine gravité. Mais j'aimerai savoir. A condition que tu veuilles bien me répondre. Ne te sens surtout pas obligé, et j‘insiste là dessus. Vas y toujours. Je me risquais à proposer. Est-ce que par hasard tu ne lui aurais pas promis... A Dieu le Père donc.. Fit-il en détachant clairement cette partie de la phrase. De ne plus jamais boire, de t'abstenir définitivement, de te montrer sobre comme un chameau, s'il voulait bien te faire grâce pour cette petite cuite. Dis moi tout mon ami. J'hésitais un instant avant de répondre. Ne sachant trop où cela pouvait me mener mais je le voyais venir... Il me semble bien que j'ai du promettre quelque chose dans le genre à ce moment là. Je me risquais en fin de compte. Assez timidement face au sérieux poignant de son regard. Ca sentait le piège à plein nez son histoire. Il tendit sa main jusqu'à mon épaule. Alors te biles pas mon ami. Je lui ai promis la même chose bien plus d'une fois;. Et je ne saurais même pas te dire le chiffre exact.. Cochon que je suis. Je connais aussi un tas d'autres types qui ont fait pareil, des gars très bien tu sais;, tu peux me croire.. et qui font semblant comme nous de plus s'en rappeler. Ca ne se Lit Pas sur Leurs Fronts... Pour te dire que nous sommes loin d'être seuls dans cette funeste barque. Qu'il nous pardonne.(Roulant ses yeux et les bras ouverts en direction du plafond..) Allez à la tienne. Il fit en levant son verre. Mais nous eûmes le plus grand mal à boire proprement maintenant que nous avions décidé de blaguer sur Dieu le Père en personne. Trop occupés à nous marrer sur les fondements de notre grande civilisation. Alors Te Biles Pas mon Ami.. Je me répétais en boucle dans ma tête en me disant que ça aurait pu être pire s'il s'était avisé de m'appeler Mon Fils..


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