• Mes Sombres Interrogations… (68)

    Elle baissa les yeux et engloutit péniblement sa salive. J'ai toujours vécu ici. Alors raconter ma vie c'est vite fait. Telle que vous me voyez aujourd'hui vous m'auriez vu il y a dix ans ou même vingt. J'avais l'air plus jeune c'est tout. Bon. C'est bien beau les confidences. Mais c'est pas tout non plus, et c‘est pas ça qui va faire avancer le travail. Il va nous falloir rattraper le retard de ce matin. Mon Cher Ami.. Alors voilà, j'ai ramené les dossiers des activités d'été de ces cinq dernières années. Ici dans le classeur rouge vous trouverez tout ce qui concerne directement la commune. Ce sont des accueils collectifs sous la responsabilité de monsieur Martinez. Le directeur de l'auberge de jeunesse. Vous serez amené à le rencontrer plus souvent A l‘Avenir. . Néanmoins je peux déjà vous affirmer que c'est un homme admirable. Très compétent. Mais aussi particulièrement pointilleux. Je préfère quand même vous avertir.. Il ne supporte pas le travail bâclé et encore moins les rendez vous ratés. Vous me comprenez... N'est ce pas.. La vache. Elle venait de me mettre un coup au moral. Me ramenant dix ans en arrière avec ses âneries et surtout la façon qu'elle avait de me les sortir. Responsable et professionnelle sans états d‘âme. Sauf que j'étais déjà mort, étouffé de toute cette merde que mes contemporains m'ont enfoncé dans le gosier parce que j'étais assez con pour le leur offrir grand ouvert. De Ma Propre Volonté.. Maggy ignorait cette réalité brute qui lui faisait face. J'étais mort à petit feu durant toute ma vie et au point où j'en étais je pouvais très bien terminer cette belle carrière en crevant de faim dans la masure qui m'abritait. Cela n'avait plus aucune importance. Ou quasiment. J'étais venu l'attendre à cet endroit avec une seule idée en tête. Préparer le terrain du déchaînement sexuel auquel je comptais bien nous voir nous livrer dans Les Plus Brefs Délais. Tous les deux. J'avais même rien prévu d'autre en cas d'échec. Allons-y pour les dossiers. Je fis. Souriant et plein de vigueur et de bonne volonté. Ajoutant silencieusement qu'elle pouvait tout autant se les carrer dans le cul. En attendant Autre chose.. Sans se faire prier et à moitié perdue dans son trouble elle ouvrit un des gros classeurs et j'en profitais aussitôt pour laisser traîner dessous ma main gauche.. Tout près de la sienne. A quelques centimètres à peine. Ah... Qu'est-ce que j'ai ouvert comme classeur. Le bleu. C'est vrai. Les camps extérieurs pour lesquels nous sommes prestataires de service uniquement. Alors commençons par les scouts puisqu'on y est après tout... Je l'écoutais à peine. Mes doigts se rapprochaient imperceptiblement des siens à l'abri du carton. Sous la table mon genou la frôlait et je devinai presque la douceur confondante du cuir qui lui recouvrait la peau. Mais je sentais qu'elle restait prête à se braquer à la première occasion. Se servant aussi de mon malencontreux lapin de la matinée comme d'un bouclier, prête à tout moment à se bétonner dans ses vieux réflexes et la mélancholie, une attitude toute Responsable et Professionnelle. Ce qui ne l'empêchait pas de mouiller et j'étais assez prêt pour renifler son activité corporelle. Il n'y avait aucun doute là dessus, cette senteur légèrement aigre et sucrée provenait en droite ligne de son entrejambes et du milieu humide de ses seins, de ce cuir trempé et tâché. Elle mouillait comme une grosse cochonne pour la simple et bonne raison qu'elle était un être humain normal qui m'avait rejoint en sachant parfaitement ce qui se tramait entre nous deux. Quand à moi je préférais mille fois me sentir vivant dans cette aventure que d'écouter ses fadaises sur les scouts par exemple. J'avais gâché ma vie pour moins que ça et il n'était pas question de ramollir avec l'âge. C'est pas gagné d'avance. Je pensais tout de même en l'observant s'enfermer dans ses vieux réflexes. Heureusement le téléphone sonna et vint me distraire de mes sombres interrogations... Re salut David. Je fis. Il me demanda aussitôt des nouvelles de Raymond non sans s'être excusé de son attitude précédente. J'avais compris. Ne t'inquiètes pas. Tenais-je à le rassurer. Raymond doit toujours se trouver dans le coma à cette heure. Sa femme m'a assuré qu'il allaient le ramener à la conscience dans la soirée. Je compte me retrouver près de lui. Elle va pas très bien de son côté.. (je claquais innocemment la langue pour lui faire entendre mon embarras..) Si ta proposition tient toujours.. Je serais heureux que tu puisses m'accompagner. Bien sûr.. Bien sûr.. Il fit. Je cherche seulement à me rappeler ce que je dois faire dans la soirée. Écoute. Il poursuivit. Si cela pouvait attendre six heures. Ce serait parfait. Qu'est-ce que tu en dis. Ca me va. Je lui répondais. On sera exactement dans les temps. Je te remercie. Il me vint l'envie d'ajouter que je ne me sentais pas de taille tout seul, face à autant de souffrance. Je ne parle pas de Raymond. Mais de sa femme. Monique... J'avais compris. Il conclut. Mais je te rassure. Nul n'est jamais à l'aise dans ce genre de situation. Tu peux me rejoindre aux Champions. Ce serait le mieux. Ok. Ca me va. Alors à tout à l'heure et te fais pas trop de mouron. Ca ira. Merci David. Je lui dis en raccrochant et durant une minute ou deux j'oubliais complètement Maggy. Je gardais les mains croisées sur la table. L'esprit perdu et ailleurs dans des pays où la vie et la mort se côtoient comme de bons vieux copains toujours prêts à s'engueuler sans que ça prête à conséquences. Tout devenait tellement dérisoire et ma propre mort en ligne de mire ne parvenait à m'effrayer. Je me demanderais jusqu'à mon dernier souffle si cette affaire personnelle sur Terre valait vraiment le coup. Sûrement. je me dis. Pensant que je me souviendrais non pas de mes souffrances et des mois d'hiver terré dans le brouillard de la montagne, mais des cuisses de Maggy dans son pantalon de cuir moulant. Du sexe humide Et Très Souple de Danielle. De la table de ferme trônant au milieu de la grande pièce chez la bergère du plateau. Du sourire amical de David si par chance il se trouvait toujours dans le secteur et suffisamment proche pour compter dans une pareille épreuve. Je n'étais pas un cochon objectivement. Je bandais comme un âne cinq minutes plus tôt et j‘étais parfaitement disposé à remettre ça d‘une seconde à l‘autre. Mais cela n'avait rien à voir avec ma vraie nature qui est d‘être mort et de ne plus penser à rien.. De ne Jamais Emmerder Personne;.. Mon seul problème dans la vie était que je me sentais très remuant à nouveau. Que cette vie nouvelle réclame des preuves qui me dépassent trop souvent. Terribles et Charnelles... Concrètes... Sans se soucier si j'ai la forme pour ça, dispose d'assez de forces, D'Équilibre Intérieur.. où si tout simplement j'en ai envie. Je risquais même de trouver ces choses un peu fatigantes si ce n'est répugnantes après des années merveilleusement désincarnées. Tout aussi sublimes à leur manière. Mais je ne peux plus passer à côté. A moins de mourir une bonne fois pour toute, et de me volatiliser... Mon problème avec la vie ne me lâchera jamais. Je n'ai pas la chance d'être devenu sage à temps complet. La sagesse à temps partiel me réclame déjà tant d'énergie. Ne m'en demandez pas plus mon Dieu. Je Suis à la Limite de mes Possibilités. Je gardais encore les yeux fermés en songeant à une masse de détails tournant pour la plupart autour de la mort et du sexe. Du travail et de l'argent. Les contingences terrestres. De toutes les humiliations qui accompagnent l'agitation.. De l'impératif besoin de mesurer la réalité de cette vie. De la marge infime séparant la vie et la mort. De la dérision du sujet quand il ne nous concerne encore qu'indirectement. De l'ignoble bonheur accordé par le moindre répit. Puis aussi d'une multitude d'autres sentiments tous aussi vicieux et propres à charcuter l'esprit et le mettre en pièces. Bref de la merde qu'est cette putain de vie que jusqu'à preuve du contraire nul ici bas n'a réussi à expliquer. J'aurais pu aussi m'endormir debout tellement mes inextricables visions m'accaparaient. D'autant que c'était un état plutôt habituel en ce qui me concerne et dans lequel je ne me sens pas si mal. Comme baignant dans un nuage. La Vision Les Yeux Ouverts se révélant si décevante, pourquoi ne pas se satisfaire de La Vision Les Yeux Fermés. Définitivement.. Je ne me décidais à changer de sujet qu'en découvrant les mains de Maggy sur les miennes que je n'avais toujours pas décroisés. Je ne me décoinçais qu'à partir du moment où je ressentis le frôlement de ses genoux sous la table. L'affaire se présente plutôt bien. Je pensais. Aussitôt ragaillardi. Surpris de me retrouver vivant à cent pour cent et avec une trique d'enfer. Je ne vais pas pouvoir rester très longtemps. Elle me fit en passant ses Doigts Tremblants sur mes joues. Tu m'as l'air si fragile. Elle murmura. Mais j'aimerai te revoir bientôt. Je te rappellerai dans la soirée si tu veux. Non.. plutôt demain.. Tu seras occupé ce soir si j'ai bien compris...


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