• J'observais le spectacle habituel des femmes mariées qui dansaient avec les enfants. Elles étaient touchantes, et je voyais que souvent elles fermaient les yeux et qu'en vérité elles crevaient de toute cette passion qui leur manquerait pour toujours. Comment ignorer qu'elles se trouvaient bien mieux avec leurs gosses à bout de bras que collés à leurs vieux déchets de maris qui pendant ce temps là se tapaient les uns les autres dans le dos en descendant des apéros à la pelle. Je devinais leurs pommettes qui blêmissaient. Elles imaginaient des trucs entre leurs cuisses à en devenir folles, à s'en déchirer le ventre. Le temps glissait et je me demandais comment j'allais pouvoir remonter chez moi. J'étais descendu sur mes deux jambes mais je ne comptais plus trop sur elles pour me ramener En Haut.. Une heure et plus à pieds en pleine nuit et dans mon état c'était pas du gâteau. D'autant que la pente était raide et ne prêtait pas à rire. Je me disais qu'il était temps de chercher une solution pour le radiateur de la voiture qui m'avait lâché quelques mois plus tôt. Me livrant à ces calculs je me retrouvais tout près de Danielle, sur un de ces longs bancs de kermesse où on peut s'asseoir à califourchon. Danielle s'était faufilée tout près sans que je la voie venir et son parfum à cette distance finit de m'achever. A mon grand étonnement la discussion s'engagea sans que je manifeste de signes de crise. Je ne pus que remercier le rosé et toute la chaîne logistique qui l'avait apporté jusqu'à mon gobelet de plastique. Puis le plus naturellement du monde on se mit à philosopher. C'est quand même étonnant de voir que même dans une petite ville pareille, les gens n'arrivent pas à se rencontrer, comment que t'expliques ça toi. Elle me fit, avec la mine de se pincer les lèvres. C'est pour ça que de temps en temps il faut boire un coup.. Je ne connais pas trente six façons de délier les langues. Elle ricana. Alors qu'enhardi je continuai ma démonstration. Regarde nous deux, je te vois passer depuis au moins un an.. C'est pas vrai.. ce qui doit correspondre à l'époque où tu as été muté ici je crois, et pourtant je n'ai jamais eu l'occasion de te voir d'aussi près. Ce qui ne veut pas dire que je n'y ai jamais pensé. Mais on arrive tout juste à se dire bonjour.. Bonsoir.. Quand on se croise;.C'est la vérité;. Non.. D'ailleurs je dois te faire une confidence;.. Je fis Semblant d'Hésiter.. C'est que je te trouve encore mieux à.. comment dire.. A bout de nez. Elle reprit d'elle même pour me taquiner. Oui c'est ce que je voulais te faire comprendre. Je reconnaissais en bégayant. Eh bien voilà tu me vois de tout près, et si tu as des remarques à faire, c'est le moment ou jamais. J'espère que t'es pas déçu. Chacun vit dans sa bulle. Je repris soudain en sueur. Curieusement c'est le seul endroit où moi je parviens toujours à respirer. Je lui avouais d'une façon étonnement sincère et y laissant toute mon énergie. Quasiment en pilotage automatique. Bien incapable de peser le pour et le contre d'une pareille audace malgré que je sortai tout droit d'un congélateur. Ne faut-il prévoir un temps d'adaptation pour l'appareil génital et une sorte de Mise en Chauffe très douce en Remontant à la chaleur; Vaguement le sentiment que je prenais des risques m'envahit. Je me retrouvais à deux doigts de renoncer et à la peine avec ce début de bégayement. Conscient surtout comme le niveau de mon baratin était pas terrible. Rouillé et pauvre. Tellement misérable. Je fixais ses cuisses qu'un courant d'air à ma demande venait juste de découvrir. En parlant d'air j'étouffais carrément maintenant. Et si j'avais d'abord pris l'affaire sur le ton de la plaisanterie, l'instant était grave. Je n'avais plus touché une femme depuis des années. Autant dire une éternité. Je ne bandais même plus, et mon sexe me servait tout au plus de robinet. Je ne me sentais pas malheureux pour ça et j‘étais loin de réduire Mon Mal à un point aussi précis, mais je me doutais que ce n'était pas tout à fait tolérable comme situation. Ni très sain. Alors l'alcool aidant je fixais ses cuisses comme un cannibale, et j'haletais. J'eus le sentiment que dans un premier temps elle se trouva mal à l'aise face à mon comportement, puis sans doute qu'elle avait aussi descendu quelques verres, et elle commençait à chauffer pareil de son côté. Tout comme moi, elle haletait et sa voix devenait rauque. Viens on marche un peu le long de la rivière. Elle me proposa. Ca nous fera pas de mal. T'as raison, ça remettra les idées en place. Je répondis. La nuit était bien avancée quand nous parvînmes à une courbe à la sortie de la ville. Nous parlions de choses et d'autres tout en sachant que c'était juste pour tuer le silence en attendant l‘Épreuve du Feu. Sans tenir compte de la fraîche vigueur de l'air dans cette nuit tombante. Cahin-caha, j'avais fini par la prendre aux épaules, et elle me dit qu'elle avait essayé de me connaître depuis un petit moment. J'en fus très étonné, ne m'étant absolument rendu compte de rien et convaincu que l'affaire était à sens unique. Puis plutôt gêné par ses paroles, je finis par me demander mais sans que l'idée s‘éclaircisse entièrement, si il n'y avait pas erreur sur la personne. Incapable d'y répondre je choisis de me taire et elle parut m'imiter. Je découvrais ses muscles aussi doux que des petits paquets de mousse. Ses cheveux clairs étaient tout légers, et elle portait un vrai parfum de femme, très fleuri mais costaud et prometteur aussi. Sans être particulièrement belle ni toute jeune, elle aguichait avec ses cuisses légèrement gonflées et sa manière de mordre ses lèvres, son regard et sa bouche qui ne craignaient pas de dire qu'entre ses jambes une jolie chatte toute trempée attendait le voyageur fourbu. Je la collais contre un mur dans un recoin nous abritant des regards, et je compris de suite qu'elle n'était pas en reste côté émotions. A la limite j'irais jusqu'à prétendre qu'elle était encore plus excitée que moi. A croire qu'elle aussi n'était plus à la fête depuis des lustres. Elle semblait prise de panique et frôlait la syncope à chacun de mes gestes, et quand enfin je passais un premier doigt dans sa fente ce fut le délire et elle se mit à me mordre la base du cou. Moins aviné je me serais dit que c'était pas un endroit pour baiser à notre âge. Mais ce n'était plus le moment de réfléchir. Nous Y Étions.. Elle entreprit toute seule de se défaire du collant. Je me reculais et manquais de tomber à la renverse. La précipitation dans ses gestes quand elle leva une jambe avant l'autre m'apparût terriblement érotique. Le collant se déchira et je l'entendis soudain grogner. Ce qui ne fit que renforcer l'impression d'urgence d‘autant qu‘elle se transformait en ombre. Finalement elle parut s'en sortir et pouffa de satisfaction. Levant son regard vers moi pour savoir ce que j'en pensais. Je me décidais à sortir mon robinet soudain transformé en oiseau de proie et sans lui avoir enlevé le slip, le glissant simplement sur un côté, je tentais de l'enfiler, debout contre le mur. M'aidant pour cela de quelques grands coups de reins. Je giclais avant même de l'avoir complètement pénétré. Ce fut une catastrophe, et je subis le coup de fusil qui m'arrachait l'intérieur des bourses. Mon Dieu, si j'avais pu mourir à cet instant. Je me retirais tout badigeonné et je me sentais sale pour le coup, malgré l'alcool. Mais c'est rien, elle chantonna, retrouvant immédiatement son calme, et me caressant une joue du dos de la main. Je suis fatigué. Je répondis. Évitant de déchiffrer sa silhouette qui devenait trop floue. Elle ricana sans méchanceté. On est tous fatigué. Elle continua. C'est le cimetière des éléphants cette ville, t'avais pas deviné. Je tentais de la fixer dans la nuit, sans y parvenir. J'avais perdu toute honte. Mais ses dernières paroles m'avaient glacé...


    votre commentaire
  • Il y eut une fête en ville plus ou moins à cette époque. Quelques semaines plus tôt il me semble dans mes souvenirs. Encore qu'il me faudrait vérifier pour être certain de respecter la chronologie des faits. Officiellement c'était pour inaugurer la première rue piétonne. Quelle chance, il faisait beau et doux après les gelées et en attendant la pluie en ce jour de célébration. Pour ma part je ne voyais pas d'un bon oeil toutes ces nouveautés. Mais je me gardais bien d'évoquer ce sujet avec les gens du coin, ils pouvaient difficilement admettre mon point de vue. Comment pourrais-je prouver aux yeux des incroyants, que la clé du paradis se trouve dans l'immobile éternité. J'aurais voulu que le temps gèle une bonne fois pour toute dans mon bout de montagne, mais déjà je voyais de nouvelles maisons qui poussaient pareilles à de gros chardons jaunes sur les coteaux bien exposés au sud. C'était sûr un jour il y aurait des carrefours bondés et des enfants et leurs mères toujours terriblement épuisées là en bas, comme partout ailleurs. Puis la ville éclatera de toute part et grimpera comme une maladie sur les flancs verts des montagnes qui ne savent pas que les petits  hommes sont bien plus dangereux qu'ils n'y paraissent. En attendant, la fête se passait sur la place principale juste devant le kiosque à musique et qui servait aussi pour les discours. Le maire entouré de toute son équipe vint nous faire le sien, et il nous fit comprendre qu'il rempilerait bien pour quelques années supplémentaires aux prochaines élections qui devaient avoir lieu l'année suivante. Je crûs soudain entrevoir une explication valable à pas mal de nos problèmes. Disons en gros que si nos élus se sentent obligés de nous offrir des feux rouges partout et de couler du béton pour nous amadouer, on peut difficilement leur faire confiance. Pour ma part je serais prêt à voter pour quelqu'un qui avoue franchement vouloir la place pour les petits avantages que ça apporte et même pourquoi pas tripatouiller ses petites affaires qui le regardent. Mais ce qui m'inquiète dans le cas présent, c'est qu'après avoir copié les grandes villes pour faire le mariole, l'année prochaine après le centre piéton, notre maire pourrait se mettre en tête que La Sienne mérite un gros cube en ciment pour des congrès de fabricants de papier toilette ou de lunettes de soleil. Je sais qu'à mon âge on devient facilement égoïste et un tantinet paranoïaque, mais il faut comprendre que si jamais le climat s'envenimait dans le coin, je me vois mal reprendre une fois de plus mes bagages pour  retrouver un lieu encore sûr et calme. Enfin, tout ceci restait du domaine de la spéculation, vu que sur la place et malgré l'invitation à l'apéro gratuit, nous étions tout au plus une petite centaine à fêter la rue piétonne. Ils avaient mis des drapeaux un peu partout, et les commerçants qui étaient à l'honneur, rosissaient de plaisir en se frottant les mains sur le pas de la porte. Je me faufilais jusqu'aux tréteaux et en tendant bien le bras j'eus droit à un gobelet en plastique rempli de vin rosé à moitié. Je connaissais de vue pas mal de gens qui se pressaient autour des tables. Quoique la conversation se limitait à des.. Ca va toi.. oui et toi.. moi ça va, et bien à la tienne.. tu vas bien toi.. impeccable et toi.. pas mal, et bien c'est tant mieux.. ça va toi.. puis je me retrouvais seul et je me reprenais un autre verre de rosé. Après quoi on rigolait un coup, et toujours des toi comment ça va, tu vas bien.. Alors ça roule;.. et ainsi de suite. La taille de la ville m'obligeait à reconnaître à peu près tout le monde autour de moi, ce qui revenait à dire une grande partie des habitants. Seulement j'aurai été bien incapable de mettre dix noms sur ces têtes. La fanfare locale en uniformes bleus de théâtre nous fit un petit concert et un disc-jockey prit la suite pour faire danser les gamins et quelques touristes. La soirée s'avançait et je commençais à être pas mal parti. Je tapais le rythme du pied droit avant de basculer du côté gauche et quand la chance me souriait je parvenais encore à me faire servir un verre. Je ne me  suis même pas demandé ce qui me rendait aussi sociable. Pour une fois...


    votre commentaire
  •  Le temps devint un écran noir et blanc, et seuls les sons, largement aussi vrais que dans la réalité, (N'en était-ce pas une.. ) conservaient la qualité technique du monde moderne. Je me revoyais crevant dans les embouteillages, le bruit, la foule, les éclats de voix, l'odeur des bagnoles, et de tout ce qui pue en général. Les boulevards, la Madeleine, Châtelet; et encore au delà des remparts tout le coin d'Aubervilliers. Enfin bref tous les endroits où j'avais vu filer la plus grande partie de mon existence. Puis le trajet interminable depuis la banlieue quand Aline voulut à tout prix nous voir installés dans un pavillon. Elle s'était mise en tête que le bonheur se fabriquait comme une sorte de legos. Alors que pour ma part je savais qu'il serait accordé d'avance ou tomberait du ciel. Ce qui revenait au même. Le légendaire sacrifice des pères de famille n'étant que pure billevesée parmi d'autres qui servent d'huile de graissage à la plupart des inconscients. Certains le savent d'instinct et ceux là sont les seuls que j'envie. Je ne suis pas devenu idiot, mais uniquement triste et fatigué. Je préférai arrêter le film, les enfants que je ne voyais plus depuis des années, mais qui avaient grandi et chacun fait sa vie. Les premiers vrais ennuis quand je me suis mis à vivre à l‘envers, et même à la fin des histoires de chéquiers piqués dans les tiroirs des bureaux. Parce qu'il y a Une Obligation de Survie en Société.. Et Coûte que coûte.. La Dépression N'ayant aucune Valeur Légale en Terme D'Excuse.. De toute façon ma seule vie était ici au milieu des arbres et de toute cette nature, les vrais bruits de la vie étaient là et pas ailleurs. Dans le Silence de mon Crâne. Pendant des années je m'étais pris pour un autre. Forcément j'avais mis le doigt dans la machine et j'étais trop orgueilleux pour voir la vérité en face. J'étais né pour vivre au ralenti en haut d'une montagne là où nichent les Vieux Anges Cinglés. Et de pareils endroits existaient bel et bien sur la maudite Terre. J'avais par mégarde été tenu dans l'ignorance. Depuis et surtout au début j'avais trop souvent cédé à la facilité du, _.si je pouvais tout recommencer depuis mes vingt ans.. Mais j'en avais près de cinquante, et que cela me plaise ou non, les carottes étaient cuites. C'est ce que je me disais toujours avant de m'obliger à penser à autre chose, et en général ça me réussissait. Je ne m‘y entendais pas vraiment en matière de pêche, mais Raymond heureusement était un fin connaisseur. C'est lui qui préparait le matériel et choisissait les appâts tenant compte de critères tels que la force du courant et l'air du temps d‘après ce qu‘il m‘affirmait. Il marmonnait généralement entre ses dents des eébuts d'explication tout en s'activant, mais sans chercher à savoir si je saisissais bien le message. Puis il finissait rarement ses phrases. Curieusement, mes prises étaient plutôt meilleures que les siennes. Il n'enrageait pas pour si peu, se contentait d'un de ses grognements habituels qui tenaient lieu d'arguments, et qui semblaient laisser une large place au hasard pour justifier l‘incompréhensible. Seule étrangeté au milieu de ses arguments. Sa fixation sur les curés que pour un oui ou un non il vouait aux gémonies. Ces connards de Curés.. qu'il faisait sans jamais m'en dire plus. Quand à mon avis sur la question, je pensais qu'il lui arrivait de trop souvent trembler, précisément après quelques minutes d'immobilité. Même de loin je sentais que son corps rapidement était traversé d'ondes nerveuses qui ne le laisseraient plus en paix avant deux ou trois verres de vin Pleins à Ras Bord... La matinée passa à un rythme lent, presque honteux tant chaque seconde valait son pesant de béatitude, magnifique et paresseuse satisfaction, ponctuée de quelques cigarettes, deux ou trois jurons, et d'un bout de pain sur le coup des onze heures. Quand aux poissons, je les voyais bien filer dans l'eau vivante qui courrait au milieu du plan d'eau, mais ils nous narguaient les bougres, ils se moquaient. Heureusement vers midi les affaires devinrent sérieuses, et coup sur coup, deux jolies truites dont une plutôt de bonne taille, puis du menu fretin, vinrent se ficher sur nos hameçons. Raymond ne se tenait plus de joie, à croire qu'il voyait ça pour la première fois de sa vie. Ca mord, ça mord.. il piaillait, avant de se servir directement à la source du cubitainer histoire de fêter le miracle. Il me sembla utile à un certain moment, observant que la source justement s'épuisait,  de m'emparer du petit tonneau de plastique pour le dissimuler dans une faille de rocher sous prétexte de le garder au frais. Assez loin et en hauteur pour le dissuader de faire trop souvent l'aller retour. A la mi-journée passée, l'air s'était sérieusement réchauffé et on envisagea de préparer le barbecue. Dans la clairière, entourée de magnifiques feuillus aussi beaux que les arches d'une cathédrale, je commençais un feu avec le charbon de bois ramené dans le break, puis une fois bien pris, je fis brûler du bois mort trouvé sur place et qui fumait terriblement tout en séchant. Le poisson vidé, et frotté d'huile d'olive dégageait un fumet à damner un diable. J'apportais une pierre pour m'asseoir dessus et Raymond se coucha dans l'herbe certainement humide encore tout en s'appuyant sur un coude. Au dessus entre les arbres frissonnants, le large soleil qui maintenant apparaissait entre deux nuages, nous bénissait...


    votre commentaire
  •  Avec Raymond on s'était promis d'aller pêcher en ce vendredi, et pour une fois il semblait avoir tenu parole en n'étant pas bourré dès dix heures du matin. Ca va mon gars. Il me fit quand j‘arrivai à la grille de son jardin. Ca va Raymond, et toi. Je répondis. Puis on prépara l'équipage en silence parce que nous ne parlions jamais beaucoup, les cannes, les appâts, le pain, quelques victuailles pour accompagner, et évidemment le petit cubitainer de rouge qui allait avec. A ce sujet je me promettais de le planquer au moment opportun une fois arrivés sur place, de manière à ce qu'il ne soit pas complètement vide à l'heure du casse-croûte. Nous  enfournâmes le tout dans son break, et nous voilà parti pour la rivière. Il était encore tôt, et la fraîcheur de la nuit s'estompait à peine, l‘hiver plutôt clément d'après moi, tirait à sa fin et le printemps brillait dans l‘horizon. La route qui menait à la rivière serpentait à flanc de coteaux, quasiment au pied de la montagne. De grands arbres la bordaient, pareils à des parasols verts, et le ciel lançait des éclairs blancs au travers du feuillage. Quand on mit pied à terre, nous fûmes accueillis par des cris d'oiseaux qui laissaient à peine passer le gargouillis de l'eau dégringolant en cascade un peu plus loin. De gros crapauds balançaient par moments leurs sons graisseux avant qu'on ne les entende sauter à l'eau en rafale. Sur le chemin qui longeait la berge jusqu‘au coin de pêche, il fallut éviter les flaques de boue laissées par les pluies des derniers jours, puis nous écrasions l'herbe humide avant d'atteindre les rochers gris aussi longs et plats que des tables de salle à manger. Tu veux pas un petit coup pour te réchauffer. Me demanda Raymond. Non ça me dit rien, je garde ça pour tout à l'heure. Je fis. Nous déballâmes l'attirail et chacun de son côté sur la retenue traversée par un fort filet d'eau vive, on jeta les fils...

    votre commentaire
  •  En pensant à ça j'évoquais Raymond justement qui avait prit sa retraite de l'armée tout prêt d'ici. Pour être sincère je connaissais du monde avant, dans un milieu jamais à court d‘idées. J'avais longuement tâté de ces boulots qui consistent à s'asseoir devant un clavier avec l'air inspiré. Je ne connus pas une situation unique, mais des milliers. Qui se dégradaient aussi rapidement que je les démarrais. Des bouts de vie enfilés les uns aux autres comme un infâme bricolage. Des Jobs de bric et de broc de plus en plus merdiques au fil du temps.. Dans un Environnement de Plus en Plus Hostile. Mais on s'habitue aux médiocres  piges et à tout quand on se met à débloquer avec l‘âge et pour d‘insondables raisons. Puis un jour on admet enfin ce qui crève les yeux. A ce stade j'eus à peine le temps de me demander ce que j'étais venu faire dans ce cirque. Le paysage de pierres s'écroula et partit en miettes. Certains s'accrochent dans le vertige et comptent les mois et les années. Pendant que d'autres sont pris de frénésie et multiplient les conneries. J'étais plutôt de cette seconde catégorie. Voilà pour résumer les choses simplement, comment ça s'est passé. Mais je n'étonnerai personne en évoquant de tels faits, fut-ce dans une glaçante brièveté. Chacun aura eu l'occasion un jour de rencontrer un traîne savate pour s'en faire une idée exacte et servir de modèle. En vérité je rêvais de filer depuis la nuit des temps. Depuis le premier jour où il m'avait fallu Gagner ma Vie et me conduire comme un Homme.. Mais j'avais été capable d'attendre qu'il soit trop tard. Comme à peu près tout le monde. Quoique j'appelai ça du courage alors. J'avais tenu bon et j'aurais presque exigé une médaille pour mon héroïsme...  
     


    votre commentaire