• Si Fièrement Modeste (106)

     

    Enfin quoi qu'il en soit je suis là où on ne peut être mieux. J'ai beau prétendre que je viens de passer quelques minutes lamentables, c'était pas le bagne. Néanmoins la fin de notre affaire fut pour moi déplaisante. Si je pouvais oser une image ce serait comme d'avoir économisé pieusement des mois entiers pour m'offrir une sortie chez Bocuse et en ressortir avec une indigestion. Il sera toujours très compliqué de faire comprendre aux femmes notre mécanique spéciale. Le coup de hache au moral signant un avant et un après toujours et définitivement impossibles à recoller. Le mal qu'il faut souvent se donner pour surmonter la petite dépression qui suit l'enfilage. Quoiqu'en général la petite minute post-traumatique se gère encore assez facilement. Je sais qu'elle peut aussi déclencher quelques effets secondaires et parfois même la tempête si elle vient à traverser une zone incertaine ce qui malheureusement n'est pas si rare pour les fragiles créatures émotionnellement fatiguées s'éreintants de par le monde moderne. Maggy après tout je l'aime bien. Ne serait-ce déjà que parce qu'elle représente une somme d'efforts assez conséquent en ce qui me concerne. Pour en arriver à cette partie de jambes en l'air j'ai du batailler. C'était pas gagné si je cherche à me souvenir de ce que fut notre première rencontre. Seulement ainsi complètement à jeun, et de la subir aussitôt après comme une chatte toute collante dans son affection, m'a rendu nerveux. Je ne la voyais pas si débordante. Elle c'est une femme et moi je suis un homme. Nos métabolismes obéissent à des règles inconciliables. Bien sûr l'histoire aurait gagné dans la nuit et avec un bon coup dans l'aile. Forcément. Ne soyons pas naïf. Déjà que le degré de conversation décente requis dans un délire nocturne égale le plus souvent zéro. Des Maggy je suis prêt à en satisfaire quelques dizaines s'il le faut. Cela n'a rien d'effrayant. Mais à condition de ne pas tomber sur quelque moment éclairé d'une lucidité vengeresse. Une suite d'images qui s'est mise à défiler depuis l'entrée dans la maison est venue tout gâcher. Je me suis senti tomber en grâce dès le chemin bordé de chênes lièges. J'ai beau être un pauvre type fauché, et pas réellement porté sur les choses luxueuses, j'ai eu le sentiment que je pourrais très bien être le propriétaire de ce bout de paradis. Moi qui me croyait si fièrement modeste. J'ai ressenti les aiguilles tragiques de la jalousie sachant que pour un Potiné par exemple, si ça le prenait en moins de deux ce rêve se transformerait en réalité. Il faut que je dise tout maintenant que je m'y suis mis. Que j'aille jusqu'au bout. Dans mes images Juliette aussi y était. Comme d'ailleurs elle ne me lâche plus depuis des jours. J'ai beau faire et me résonner pour me prouver à quel point c'est illogique. Puisque je ne comprend pas les vrais ressorts de ce tourment. Rien ne marche. Son regard ne me quitte plus. Je ne me souviens pas d'avoir jamais connu cela auparavant. C'est une expérience si nouvelle que je ne sais pas du tout comment il faudrait réagir. Elle me trouble et j'ai beau tenter tous les artifices que je peux connaître, et j‘en ai appris des trucs au fil des années, j'y retourne inlassablement. La réalité me paraît trop vieille à chaque fois que son visage revient me hanter. Je parle de tout ça ainsi méchamment pour me venger mais je n'en pense rien. Elle ne me hante pas. Elle me sublime, me transporte dans l'immortalité. Je ne suis plus ce tas de merde pourrissant quand je me laisse aller et le fantasme me mange. Je préfère pourtant ne pas m'attarder dans mes sentiments. L'aveu de tous ces détails me gêne profondément. Cela n'aurait rien d'immoral au fond, si je n'étais pas si misérable. Alors malgré moi sa présence qui devient une obsession finit par vicier chacun de mes gestes. S'insinue dans des histoires qui ne devraient pas la concerner. Gâche ce qui ne devrait être que plaisir. Joie et délivrance. Maggy est loin d'être un boudin. J'imagine que peu d'hommes ressentiraient de pareils états d'âmes à ma place cet après-midi. Moi même j'étais prêt à me damner il n'y a pas longtemps pour seulement la moitié de cette aventure...

     

     


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