• Un Récit Romanesque (28)

    J'avais fini par descendre mon radiateur et malgré la contrariété je ne pouvais m'empêcher de repasser la première séquence du film durant laquelle la magnifique paire de fesses de mon inconnue s'était agitée sans vergogne devant mes yeux. Nom d'un chien je me disais en constatant à quel point rien de tel ne m'était arrivé depuis des années. Je ne parle même pas d'une histoire faite de chair et de réalité, un truc normal pourtant si on tient compte du fait qu'il y a certainement sur terre autant de femmes que d'hommes dans le besoin, mais d'une pensée aussi violemment érotique, une de ces séquences qui branche directement le deux cent vingt volts là où ça fait mal. Je ressentais pour la première fois depuis longtemps l'envie vraie de voir passer mon mal de crâne, et dans la foulée de me débarrasser du sac de pierres qui me brisait le dos. Puis de colère là j'aurais assommé un lion d'un seul coup de poing. Dans un pareil état d'esprit je fus à peine surpris quand j'aperçus mon inconnue accoudée à la portière de sa fameuse camionnette au bord de la route, juste après la sortie de la casse. Quelque chose me serra la gorge mais je ne doutais pas une seconde qu'elle m'attendait, Moi.., quoique je fus immédiatement traversé par la crainte de tout gâcher. Une crainte justifiée et due à un cruel manque d'entraînement en la matière. Comme le démontrait le précédent épisode avec Danielle qui se termina dans une flaque de honte. Heureusement elle me sourit d'une certaine façon qui comme par miracle enleva sur mon passage les dernières épines. Mieux même, je m'arrêtais à sa hauteur et sortant la tête de la portière je me permis de lui demander si par hasard elle ne venait pas de tomber en panne juste à cet endroit. Ca se pourrait bien. Elle grogna d‘une voix qu‘elle s'évertuait à rendre vulgaire. Seulement même sans ça elle ne m'aurait pas paru tellement commode. Mais j'ai un petit marché à vous proposer, si ça vous dit de l'entendre. Eh bien. Je fis pour ponctuer sa phrase, puis. Allez-y toujours, je crois que ça peut m'intéresser. Tout en parlant je laissais mon regard glisser sur ses hanches. Elle tourna son visage vers le ciel, où des nuages longs et blancs dessinaient des paysages d'îles lointaines. Une Belle Femme Mûre d'à peu Près Ma Génération... Je me suis dit que vous avez l'air de vous y connaitre en mécanique, ça c'est sûr, et que pour ma part j'ai besoin d'un coup de main. Il ne va pas se mettre en place tout seul mon cardan, et pas question en ce moment de payer un mécano, ces gens là ils ne font pas de cadeau. Pire encore quand ils voient venir une femme seule. C'est connu, non.. Me décochant un solide clin d'œil. Mon Dieu. Je fis intérieurement. Pourquoi ne pas s'entendre. Elle siffla. Je comprend parfaitement votre problème. Je continuai dans le même souffle. Alors voilà, si ça vous tente, vous venez chez moi pour le changer ce cardan de la petite camionnette que vous avez juste devant les yeux. Regardez comme elle est gentille. Elle fit en tapotant la caisse. Elle a jamais mangé personne, je peux vous l'affirmer. Elle claque seulement des cuisses en ce moment quand on la démarre, que ça me fait de la peine.. J'ai tout ce qu'il faut à la ferme au point de vue matériel, et.. Elle laissa la phrase en suspens dans l'air tiède, puis reprit. Et je vous offre une soirée entière où je serais toute à votre disposition, un bon petit repas, c'est moi qui invite, du bon vin, et vous verrez pour la suite, vous ne risquez pas de repartir déçu. Je me connais assez pour vous le dire. Je manquais évidemment de m'étrangler mais rapidement je doutais d'avoir bien compris ce qu'elle me disait, c'est pourquoi je n'hésitais pas à exiger quelques précisions. Euuh, redites moi ça d'une manière plus facile à comprendre, j'ai l'impression d'avoir mal entendu. C'est sans doute que je deviens sourd avec l'âge. Je lui dis en me secouant. Elle ne fit pas semblant de rire, ce qui aurait été la règle notamment dans un récit romanesque du genre roman réaliste, particulièrement ceux que l'on adapte volontiers à l'écran, avec des types en débardeur et qui ont de vrais gueules. Alors que je ne ressemblai qu'à une sorte de vieux singe de nulle part.. J'ai bien dit tout ce que vous pensez avoir entendu, C'est Pas la Peine de Faire l'Idiot.. voilà, dites oui ou non, on ne va pas y passer des heures. Je n'attendis pas longtemps, me disant que j'étais prévenu et qu'il ne fallait pas se mettre à louvoyer au point de faire pitié dans une scène pareille. Il était temps pour moi de montrer qui j‘étais. Enfin.. Ca marche. je lançai, et pour faire aussi bien que je pouvais je tendais le bras et lui tapai dans la paume de la main. Elle me sourit enfin et oublia sa grimace. Après quoi on se mit d'accord pour le lendemain après-midi. Je repris ma route et entre-temps elle m'avait balancé son adresse et numéro de téléphone écrits sur une page arraché dans un carnet. Je dépliais la feuille qui venait d'atterrir sur mes genoux sans lâcher le volant. Elle y avait même dessiné un petit plan pour que je ne puisse pas me tromper. La première chose qui me vint à l'esprit tout en changeant les vitesses dans une série de virages, et la caisse ondulait comme une vieille baleine, était qu'il m'aura fallu atteindre un âge presque canonique pour vivre enfin une vraie scène de genre, sortie tout droit d'un bouquin écrit à la première personne avec une couverture bleue, des silhouettes fragiles, et une courte robe rouge près d'une carcasse de voiture américaine. Je me dis aussi qu'elle en pensait peut-être autant, qu'elle venait de se coller une cigarette blonde entre les lèvres et qu'elle suçait une bonne bière en s'épongeant une goutte de sueur qui perlait sur son front. Qu'elle faisait ça pour la Première Fois de sa Vie et que Ca Venait de me Tomber Dessus;. Je savais enfin qu'il suffisait d'être deux pour écrire une bonne histoire. Seul.. et que ça me Plaise ou non, on s'étouffe de Silence et on Perd l'Inspiration. Mon Dieu, je venais de traverser la vie comme un imbécile, et je m'étais royalement ennuyé, emmerdé comme un rat si je me laisse aller à quelque triviale formule, et je venais de lire tout ça sur un coin de soleil. Une vraie illumination...


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