• C'est Que de la Merde… (131)

     

    Le ciel adouci caressait les pierres. Des lézards couraient de partout, furtifs et sournois. Je suivais l'un d'eux qui venait de me glisser entre les pieds. Il gigotait et se cogna la tête sur un caillou. Je sirotai ma bière à pas lents sur la terrasse donnant sur le jardin en ruines. D'un œil sec je m'avisais du sacré boulot qu'il faudrait pour tout remettre en état. Mais ça vaudrait le coup.. Je pensais.. Drôlement le coup. Maggy douce comme une chatte avait déplié un transat et mettait ses cuisses au vent. Si je me tournais vers elle je pouvais mâter sa culotte blanche en pleine lumière. Mais cela ne me faisait plus aucun effet. Elle fumait sa clope et avait bu un long verre d'eau. Ils disent rien si on leur tape une de leurs bières.. J'avais voulu savoir.. Je te signale que celle que tu bois je l'ai peut-être payé moi même. Ah bon.. Je fis étonné; Elle haussa les épaules. Mon mari est chasseur.. Et ils se font leurs petites bouffes ici;. Je te l'ai déjà dit.. Ses yeux crachaient une triste vérité. Tu t'emmerdes avec lui.. Je me suis permis de lui demander. Bof.. Je ne sais même plus;. Je me sens déjà trop vieille pour ce genre de questions. Je soupirais d'un air innocent d'apparence mais très orgueilleux au fond. Il te baise bien au moins.. Un silence comme une pierre nous tomba dessus. Mais qui ne dura pas. Elle se marrait au contraire. Je sais pas.. Elle fit. Tu l'as vu, il est balèze.. Et il a une grosse bite;. Ce qui fait illusion tu t'en doutes.. C'est tout ce qui tourne autour qui va pas;. Plus le temps passe et plus je trouve ça pénible;. Elle est vraiment énorme;. Je me demande si elle grossit pas avec les années; Lui il grossit bien;. Se reprenant aussitôt... Il enfle de partout c'est ça que j'ai voulu dire;. Mais tu m'avais compris;.. Elle tira longuement sur la cigarette que j'entendais grésiller à plusieurs mètres. Ces derniers temps je commence à avoir mal quand il me touche;. Pourtant il y a des moments où j'en ai envie comme une folle. Je sais même pas ce qui m'arrive..  A mon Âge.. .. Tu te rends Compte;. C'est peut-être de ta faute;. Elle n'eut d'autre idée pour m'accabler que de me lancer son mégot. Tu veux foutre le feu ou quoi;. Je m'écriais en me précipitant sur le mégot. Il pleut pas depuis des mois;. Une belle maison comme ça et tu la cramerais;. Serais-tu folle.. Elle plongea dans son sac pour en ressortir une autre cigarette. Elle ne fume pas tant d'habitude.. Je pensais. Mais les confidences matrimoniales devaient y être pour quelque chose. Bof.. Elle reprit d'une voix légèrement cassée. Je crois qu'on va pas la prendre cette maison. On en a parlé encore il y a quelques jours en réunion.. Ça poserait trop de problèmes quand on regarde de près.. Le bureau d'études a fait ses comptes, et il en faudrait pour remettre tout en état.. Mine de rien. Toutes les normes de sécurité sont à revoir et les séjours de groupes ne pourront jamais rentabiliser.. On a aussi pensé à redémarrer en hôtel de luxe. Pour répondre a la demande étrangère.. Enfin.. Certains le disent ou en sont persuadés;.. Seulement il faut investir gros au départ.. A commencer par un ascenseur.. Tu as une idée de ce que ça coûte?;. Il paraît que les clients n'ont plus envie de monter deux étages à pieds;. Mais dans quel monde on vit;;. Ouaih.. Dommage.. Dommage.. Elle continuait. Parce que c'était quasiment un don;. Le vieux ne peut pas la donner directement à cause des histoires avec les autres héritiers encore en vie;. C'est une ancienne famille qui possédait une moitié de la vallée il y a encore cinquante ans;. Ouaih.. On l'aurait eu pour presque rien, n'empêche que c'est pas la moment de se lancer dans des frais.. Il y a les travaux de la citadelle;. Les écoles;. Puis les bâtiments vides c'est pas ce qui manque depuis la fermeture des mines.. Enfin;. On a pas encore décidé.. On verra bien..; Je me retournais vivement pour qu'elle ignore mon visage glacé; Je me plantais au bord de la terrasse. Balayant du regard les vestiges du jardin. Les statues de pierre noircie et une tonnelle envahie de ronces au bout de l'allée. Pourtant tu as raison. Elle a de la gueule;. Je comprend qu'elle te plaise..; Je l'entendais répéter dans mon dos alors que me parvenait sa fumée mentholée et douceâtre. Je me penchais vers le fond vertigineux de la vallée et ses amas de pierres saignant la pente comme des torrents et des cascades figées. Le silence bouddhiste et un parfum de plantes sauvages. L'impression surtout que personne ne pensera jamais à venir chercher des noises dans un endroit qui n'existe même pas sur les cartes. Tout y est. La beauté du paradis et l'intelligence industrieuse des hommes confondues. Pour moi qui suis un émotif incapable de réagir simplement aux phénomènes de l'existence, c'est comme de tomber à pic dans un puit profond de sentiments. Une myriade de faits rentre dans ce qui m'arrive et me bouleverse. Maggy d'abord, puis Salvador qui veut m'obliger à gagner des millions pour je ne sais quelle étrange et exacte raison, et maintenant cette maison du paradis comme je l'ai appelé dès que j'y ai mis les pieds. Enfin Juliette sans qui les autres éléments ne signifieraient rien de très intéressant. Juliette qui vient Chez Nous.. Gagner sa croûte en louant des habitations aux anglais dans une histoire qui m'échappe ce dont je me moque en réalité. Seulement j'ai à cet instant précis mes deux pieds solidement posés sur le plus beau coin de terre qui soit pour émerveiller les touristes. En une fraction de seconde j'ai déjà tout mis au point. Je ne ferais pas ici un hôtel avec autant de lois horribles et contraignantes. Je me contenterais de quelques appartements à louer en chambres d'hôte ou quelque chose de similaire, je verrais plus tard. Moi même je m'arrangerais un petit pied à terre quelque part au dernier étage ou à l'arrière pour être tranquille. Quand à Juliette puisque de toute façon c'est son commerce, elle n'aura qu'à choisir elle même la place qui lui convient et son destin. Il n'y aura en tout cas plus personne pour voir quoi que ce soit de mal dans ce destin qui nous rapproche. Ainsi donc je rêve debout et éveillé. Mes vingt ans éternels me rendent lumineux. Jusqu'à la fin des temps je serais ce jeune homme fou et solitaire. Je ne mourrais jamais. N'étant pas destiné à la mort. Les lois de la vie sont pour les autres et ne peuvent concerner les héros comme Jack Elias. A-t-il seulement vieilli d'un jour depuis Que Je le Connais.. Donc j'ai beau vivre et crever au milieu de tout le monde. Je cache quelque chose qu'ils ne pourront jamais entendre. Un rêve sanglant et solitaire. Cette même folie qui me rendra éternel. Tout tient je le sais dans une courte formule. En Dehors de mon Rêve.. C'est Que de la Merde... Je fixe l'abîme en ayant plus peur de rien. Mon secret me rapproche du ciel...

     

     

     

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