• Dans la Guerre Sans Fin (46)

    Dans l'entrebâillement de la porte d'entrée, à l'abri des rayons du soleil sous le petit porche, appuyé sur une épaule et les mains dans les poches, je ne faisais rien d'autre que contempler le vert du pré qu'une vache broutait paisiblement. J'avais remis un rendez-vous le matin, pour le bulletin municipal, et depuis je tournais en rond a force d'hésiter entre la serre et ma table de travail, sans pouvoir me décider. En rentrant la veille au soir, je n'avais pu trouver le sommeil. J'étais resté sur l'herbe humide de rosée, à fumer une feuille de ma serre, à boire un verre de vin, puis je m'allongeai pour constater en paix que la cavalcade ne peut pas s'arrêter, elle fait partie du contrat. J'étais fatigué mais je me sentais en règle. La culpabilité n'avait pas disparue parce qu'un tel miracle est impossible, seulement elle m'étouffait moins, et me laissait même assez de lucidité pour essayer de réfléchir. J'étais presque d'accord pour accepter tous ces bricolages, que j'aurais estimé odieux en d'autre temps. Un peu de poivre, un peu sel, et on parvient à rester en vie tout en conservant un minimum de dignité. Rien ne m'obligeait à me terrer comme un rat, et je n'avais pas la force d'un moine, pas une once. Ni un héros, ni un imbécile, et juste assez de talent pour remplir les pages du bulletin municipal. David se trompait lourdement, je n'écrivais pas. Je vidais ce qui allait déborder, je vidangeais l'âme de mon trop plein d'orgueil, j'écopais inlassablement pour empêcher le radeau de couler et j'étais devenu le seul metteur en scène acceptable aux yeux de mes frustrations et témoin de tout ce ratage. Nul à voir avec toutes ces histoires vraiment humaines et terre à terre. Ce n'est pas ma vie réelle et banale que je racontais, ce qui manifestement est à la porté de tout le monde si je m‘en tiens à certaines observations auxquelles je me suis livré. Connaît-on quelque chose de plus simple aussi. J'étais autrement plus exigeant envers moi-même. De l'ambition démesurée qui démarre Comme Nous le Savons Tous à un âge d'innocence. Après quoi très vite La Plupart.. perdent le coup de main et c'est fini. D'ailleurs c'était un roman d'aventures que j'écrivais, une histoire à dormir debout si ce n'est que je vivais dedans à plein temps et que de ce fait elle était aussi vraie que le fameux Big Bang qui à Partir de Rien est devenu le Tout.. Une épopée tellement épique qu'il aurait fallu m'arracher la langue pour me faire avouer d'où je la sortais. Parce que je n'ai jamais eu d'autres idées conscientes que celles qui en droite ligne me ramènent inlassablement à mon enfance bénie et adorée, quand je me gavais de Fumettis et de vrais héros qui Neuf Fois sur Dix portaient une Cape.. . Voilà ce que je m'étais décidé à écrire, Depuis Toujours.. l'interminable course d'un impitoyable redresseur de torts, un mystique. Un homme pas comme Vous et Moi.. Mais qui était le seul et véritable Je.. pour lequel j‘avais accepté de vivre sans me pendre prématurément... Depuis que j'avais appris a rêver et respirer dans la même journée avant de me réveiller comme essoufflé et crachant des larmes de bile le lendemain matin et ce ne fut plus jamais pareil. J'étais devenu un connard là où là veille encore je me voyais comme un ange gris aux ailes d'argent. Je n'étais pas certain depuis de jamais parvenir à l'écriture du mot fin. Dans ma Lenteur Sacrée.. Envisageant de plus en plus sérieusement que mon héros pouvait très bien se révéler éternel. C'est a Dire Déjà Mort.. Je réalisais les yeux dans les étoiles que je n'avais justement rien prévu à ce sujet. Depuis le premier Coup de Plume.. Les dernières pages restaient dans le flou total. Alors rien ne prouvait, je le découvrais au travers de ce détail, que j'écrirais jamais le mot fin. A moins qu'un jour confondu par tant d'audace je ne m'identifie à ce que j'écris une bonne fois pour toute. Cessant de Faire Semblant.. Osant écrire Haut et Fort.. Ce à Quoi je Prétends.. Puis je Fermerais les Yeux.. Alors j'écrivais, oui, pour reprendre le mot qui dans la bouche de David sonnait parfaitement vu que je n‘en connais pas d‘autres pour le remplacer. Depuis que j'avais Décidé de Mourir un Jour avec mon Âge Véritable. Que je situais dans les derniers mois de la prime adolescence juste avant de grandir d'un coup et de voir pousser les premiers poils; J'écrivais déjà alors pour garder mon âme en forme. Élastique et gaie depuis la seule époque où je faisais preuve réellement d'humanité. Mon enfance bénie et irremplaçable. Ce petit bout de vie trop court que des années de merde utilitaires ne remplaceront jamais. Que toutes les femmes avec leurs seins et leurs cuisses magnifiques qui garces impitoyables me mettent la trique comme un animal et me font crever, ne pourront jamais combler et pas plus me salir. Parce que quoi que j'en dise le vide que j‘affronte depuis Est Une Bénédiction. J'étais né pour avoir dix ans jusqu'à la fin de Mon Éternité et lire des millions de Fumettis assis sur une marche du trône à la droite ou la gauche du Père, (Sans importance à gauche ou à droite..).Sans l'Ombre d'une Seconde d'Ennui... J'étais né avec une âme de gamin qui n'en avait rien à faire de la nouvelle fureur Porno-Chic ou du prix de l'essence. (M'en Battrais-je les Couilles?...) De la spéculation immobilière. La Lutte des Classes.. Des Femmes.. Des échelles de générations.. Et même de l'avenir de l'humanité(a-t-elle besoin de moi..).. Des aigreurs d'estomac et du Viagra.. Des tendances sociologiques.. A cet âge miraculeux l'avenir est éternel et cette éternité finira par tout guérir et arranger. Parce que là est son miracle. Sans jamais blesser et encore moins humilier ce souffle d'ange que j'ai tant de mal à reconnaître par moments. Pourtant ce petit bout d'âme miniature maintenant partiellement atrophiée s'était montré vaillant et c'est même lui qui me traînait vers mes cinquante ans. Elle avait fait ce qu'elle pouvait La Minuscule Graine. Me gardant en vie, ce qui était déjà très bien Dans la Guerre Sans Fin.. et je lui en étais redevable; Malgré mes Colères.. Si on s'en tient à observer honnêtement ce que peut accomplir une âme moyenne. Je me classais à un niveau tout à fait correct et honorable il me semblait, malgré l'handicap d'une toute petite âme d'enfant, et je découvrais depuis quelques minutes qu'il n'y avait pas de quoi se plaindre. Comme j'avais cru si longtemps...


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