• Du Bruit, de la Fumée.. Des Tentations (23)

    Le maire arriva accompagné d'un acolyte entre deux âges mais encore jeune et qui je trouvais, portait plutôt beau s'il n'avait eu l'air aussi vague. Le regard clair mais qui me donna l'impression de jouer une pièce de théâtre. Un beau gars tout de même. Comme fait exprès, mais à mon avis le hasard n'y était pour rien, presque tous les habitués se pressaient à mon rendez-vous comme s'ils s'étaient sentis concernés de plein droit. Gros Louis se comportait comme je prévoyais, et malheureusement pour moi c'était la vedette du jour. Il trônait au comptoir et s'occupait des présentations. Tiens Mel, je te présente monsieur le maire. Puis il fit le tour de la petite assemblée. Bastien, Chantal, Johnny , Mona, Sam.. Chacun s'avançait d'un pas et serrait la main du maire. Tout ça tombe très bien chers amis, et puisque nous y sommes, laissez moi vous présenter David.. qui est notre nouveau curé en remplacement de ce pauvre monsieur Tellière. Le maire offrit à boire, puis Michael remit la sienne, et Bastien s'empressa de suivre. Pour le maire, c'était tout bénéfice cette affaire. J'allais pour pas cher, lui écrire le petit journal à sa gloire auquel il rêvait depuis un moment, et avec Gros Louis qui s'en irait chanter ses louanges, il pouvait compter sur quelques centaines de voix supplémentaires aux prochaines élections. Dans des lieux tel que le nôtre un facteur avec une grande gueule compte plus qu'un ministre. C'est parce qu'il n'ignore pas pareille vérité que cet homme est maire, et que de mon côté je dois toujours courir derrière ma pitance. Gros Louis dispose jour après jour de tout son temps pour colporter le moindre commérage qui circule dans le canton, d'autant que ça lui plait le bougre. C'est sa vraie vie. Sa raison d'être. Il ne se pose pas de questions. Il se lève le matin et il y va dans sa guerre douce et sans fin. Je l'ai croisé parfois bien accoudé sur un rebord de fenêtre en train de siffloter un verre de blanc avec une petite vieille ravie de profiter d'une si bonne compagnie. On a du mal à imaginer quand on y connaît rien, le pouvoir réel d'un tel homme. Avec un peu d'astuce il peut faire et défaire les plus hautes autorités. C'est tout simplement terrifiant. Heureusement et contrairement à mes craintes ce rendez-vous prit une tournure plaisante. L'attribution du marché journalistique fut rapidement emballé, (J'étais pas venu les mains vides mais avec un book qui en jetait.. Un Max..) et chacun s'appliqua à y trouver son compte. Bastien qui avait sorti la terrible Ferrari du garage pour l'occasion  vint la garer juste devant le café, et se prenait pour un notable, truffant la conversation de noms de commerçants ou de familles censées représenter les grands noms de la finance dans notre vallée et celle d'à côté. Un tel venait de se payer une villa en Floride, ou le vétérinaire qui terminait son déménagement et dont il venait d'équiper tous les locaux justement. Il me sembla percevoir un curieux froncement de sourcils du maire à cette évocation. Je me dis que cette histoire ne tombait pas dans l'oreille d'un sourd et qu'une idée peut-être lui germait derrière la tête, un arrangement avec Bastien sur de futurs travaux chez lui à prix spécial ou quelque chose s'en approchant. Mais il n'y avait peut-être rien en vue, sauf que mon imagination va chercher la petite bête dans tous les recoins ou elle parvient à s'engouffrer. On m'avait oublié dans la cohue, et à présent je pouvais reprendre en paix mon activité favorite, c'est à dire regarder ce que font les autres et écouter ce qui se dit. Éventuellement aussi quand l'occasion se présente, mater les femelles de passage. Tranquillement. Mais je compris vite que je n'étais pas seul à pratiquer ce sport. Le nouveau venu, David, tout curé qu'il était me parut aussi intéressé et contemplatif de la race humaine que je l'étais moi-même. Il sirotait une bière devenue chaude dans sa main. Au moins il n'avait pas le vice de la boisson. Mais je devinais rapidement cette manière discrète quoique très efficace qu'il avait de laisser glisser son regard sur les hanches incendiaires de certaines créatures. Bien entendu les jambes qui prolongeaient cette partie du corps l'intéressaient tout autant et même au plus haut point. Je me trompe rarement sur pareil sujet quand je me retrouve en concurrence directe avec un de mes semblables. Dans l'action présente c'était Mona, petite conne s'il en était, qui subissait ses faveurs et plutôt même à mon avis se retrouvait à poil. Ce jour là elle nous faisait la joie de porter une petite robe rouge à gros pois bleus, ou avait-elle pu dénicher un truc pareil, qui tombant sur le haut des cuisses, un endroit manifestement rose et chaud, les tapotait gentiment et donnait envie de mordre là-dedans, de prendre tout ça sans complexe dans la main, de tordre et presser, et encore, et encore.. Nom d'un chien dire que je me sentais fini, du moins je croyais, pratiquement mourrant quelques mois plus tôt à peine, et j'en étais presque en public à tendre la main vers la jeune peau tellement mon esprit salivait. Qu'en aurais-je fait d'ailleurs, étais-je encore à la hauteur. Rien n'était moins sûr. J'étais peut-être vieux et ce n'était plus de mon âge. Ce calme étrange qu'il me semblait avoir tant cherché dans les nuages et la montagne, la forêt, le long des torrents, s'éloignait à nouveau. Ma quête définitivement serait vaine. Je ne serais pas le premier homme du silence éternel. Le guerrier à la puissance infinie parce que sans passion. L'apôtre d'une nouvelle et terrifiante humanité. Encore moins un singe mutant parmi les hommes. J'étais juste un trou du cul comme un autre, et tout compte fait cette nouvelle, du moins dans l'immédiat ce jour là, me satisfaisait amplement. Naturellement un bout de regard et un petit pas après l'autre on finit par se rapprocher. Tu es arrivé il y a longtemps. Il me demanda d'une voix à la fois neutre mais aussi ferme et douce. Je répondais d'abord par un ricanement, sans animosité bien entendu. Comment as-tu deviné que je venais de loin. Il me regarda plus franchement au point que cela commença à m'incommoder. Je ne sais pas exactement, néanmoins je sens que tu n'est pas né ici, en vérité je n'y avais pas réfléchi. J'ai du dire ça au hasard. Et toi qu'est-ce qui t'as fait choisir notre vallée perdu. Je fis dans l'espoir de brouiller un peu la situation. Il laissa passer quelques secondes, un tantinet incertain sur le degré de sincérité de la réponse qu'il allait me fournir. Du moins ce fut de cette manière que je ressentis le court intervalle de silence. Je n'ai pas choisi, il y a des paroisses à pourvoir, et toute un système hiérarchique qui s'occupe des affectations, on m'a demandé de venir ici, j'ai été tout à fait heureux de cette proposition. Auparavant j'officiais dans une trop grande ville, du bruit, de la fumée.. Des tentations. Je fis en continuant sa phrase, et sans pouvoir dire ce qui m'avait poussé à me montrer aussi abrupt. Son verre qu'il balançait lentement au bout de son bras, se figea. Je me sentis cruel, inutilement cruel, sans très bien comprendre d'où cela m'était sorti. Il hocha la tête, amicalement. Comme s'il avait les moyens de ne pas s'arrêter sur quelques mots. Puis il reprit. Le seigneur nous éprouve, il sait parfaitement ce qu'il fait, et lui seul peut répondre. Tu verras, on vit très bien dans ce trou. C'en est même étonnant.. Je reprenais rapidement pour me faire pardonner. Ca paraît calme au début, mais c'est très bon pour le repos de l'âme, qu'est ce que tu fais en dehors de tes messes. Il sourit. Les offices ne constituent qu'une toute petite partie de notre travail, en réalité nous sommes très occupé, on ne s'ennuie pas. Je n'en doutais pas une seconde. Au fait tu vis ici-même en ville. Il me demanda. Pas exactement, je loue une maison à quelques kilomètres dans la montagne, sur la route du col. Je pourrai passer te voir un de ces jours, s'il m'arrive de rouler par là-bas. A l'occasion n'hésite pas. Fis-je. Ce sera avec plaisir. Bien décidé à ne pas lui donner de prétexte à débarquer chez-moi. Enfin, les gens n'ont pas l'air malheureux dans cet endroit, si j'en juge par ce que je vois. Fit-il en laissant son regard flotter sur la salle, les hanches de Mona, et tous les autres qui se racontaient des conneries en descendant des canons Plus tard je quittais ma taverne complètement abasourdi...


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