• Le Double Ruminant.. (109)

     

    Je vivais une période assez confortable autour de cette journée. Ne serait-ce déjà que sur le plan matériel. Mais il est vrai que j'ai toujours été peu dépensier. Il me suffisait de payer mon loyer et faire le plein du réservoir, m'offrir quelques verres aux Champions ou plus rarement ailleurs. Manger à ma faim sans que cela soit trop ordinaire mais je reste de toute façon frugal dans ce domaine. J'insiste là dessus pour dire que cela me permettait de conserver cette énergie pour des sujets moins bassement terre à terre. Quoique tout aussi vitaux. Dans mes souvenirs il n'en avait pas toujours été ainsi. La course à la survie m'avait miné une grande partie de l'existence. Me donnant souvent le sentiment que j'aurais pu faire mille choses irremplaçables à la place de tâches qui m'ont bouffé mon temps dans le seul but de gagner le droit de rester en vie. C'est aussi à partir de cette absurdité que je me mis un jour au ralenti. J'entrais en hibernation avec une consommation calorique si faible que quelques croûtons et un toit sur la tête suffirent à assurer la perpétuation de la vie. Un genre de minimum vital que j'avais su heureusement calculer au plus juste. Bon je bénéficiais aussi de l'eau chaude pour la douche et quelques prises électriques qui me donnaient l'illusion d'être encore de ce monde civilisé. Mais plutôt qu'un homme à part entière je ressemblais par moments à une espèce de légume intelligent. Il me suffit pour en avoir la preuve de constater que je ne sais toujours pas ce que va réellement devenir Jack Elias. Pourtant plus que n'importe qui j'ai besoin de savoir. Mon Envie de Vivre est à ce Prix.. D'autant qu'après toutes ces années pratiquement vides, je ne peux pas dire que le temps m'a manqué pour écrire son histoire. Alors pourquoi mon personnage extraordinaire se révéla pour des années complètes aussi sec que moi. Lui aussi vivait au ralenti. Il croyait contempler les étoiles dans la nuit. Son esprit ne voyait d'abord qu'un grand vide le séparant de la lumière tout en haut. Puis ne tire-t-il pas de moi sa vraie Énergie.. Le Soleil pour Dieu.. Le Père pour Dieu.. Le double Ruminant.. Puis parce qu'il me manquait comme je dois bien le reconnaître à présent. Quelques aventures humaines indispensables en guise de carburant.;. D'une histoire à l'autre tout restait bloqué. Je fus surpris par un coup de klaxon pendant que je me garais. Alors vieux frère.. J'entendis de suite après. Je sifflais d'admiration à la vue de la bagnole gris argent qui venait de s'arrêter à ma hauteur en contre-sens. Dis donc mon gars.. C'est carrément Byzance.. Je m'écriais à l'adresse de Salvador qui me tendait le bras au travers de la portière. Ouaih.. Il se contenta de répondre. Elle est à toi. Je lui demandais encore.. Ouaih.. Tu vas où.. Il m'interroge. Et je remarque seulement qu'il transporte des clients. Madame.. Monsieur.. Je me permets.. Hello.. Me répond le type qui garde encore son chapeau sur le crâne. Hello je réplique en prenant l'accent mais je sais par expérience que je devrais éviter d‘en faire trop. Si je maîtrise à peu près le vocabulaire l'accent justement c'est pas mon point fort. Seulement j'adore ce petit plaisir sans réelle valeur. Un nouveau coup de klaxon vient nous interrompre et cette fois c'est un couple de vieux qui aimeraient bien pouvoir continuer leur chemin tranquillement. Je reviens dans un quart d‘heure;. Le temps que je dépose mes invités.. Continue Salvador. Tu m'attends.. Je sais pas.. Je fais; Je voulais passer en coup de vent.. J'ai encore du boulot.. Oh.. Arrête un peu.. C'est toi le plus heureux.. Tu m'attends.. Quoi.. Non mais tu sais.. (agitant un doigt..)Que je te courre derrière en ce moment.. De toute façon t'as rien à dire.. Est-ce que moi je t'ai déjà laissé tomber.. Il se lamente. Me serrant le bras sur la portière pendant que le vieux derrière commence à perdre la boule. Et alors.. Et alors.. Vous êtes gonflé vous;. Il éructe.. Ta gueule le vieux.. Lui fait Salvador qui vient de le repérer dans son rétro. Là je pense qu'en fait d'humanité nous nous dirigeons tous droit vers l'égout. Calme toi;. C‘est un vieux;. Je lui suggère à voix basse. Qu'il aille se faire voir.. Il me réplique ce qui amène l'anglais à éclater de rire comme un imbécile. Le vieux pour sa part commence à klaxonner comme un fou. Calmos là derrière.. Eh pépère.. Y a pas de raison d'être pressé;. Envoie encore Salvador avec une main en entonnoir.. Où est-ce qu'il veut aller ce débris.. A son âge y a que le cimetière qui l'attend.. Cette fois à mon attention et sans doute pour faire marrer un peu plus les anglais qui ont l'air d'apprécier son tempérament. C'est bon... Vas-y.. Je t'attends aux Champions.. Je lui sors soudain en priant que ce soit la bonne formule pour le décider à avancer. Et je ne me suis guère trompé. Salvador balance un geste vague au type qui continue de l'incendier et démarre enfin. Goodbye.. J'entends plus ou moins du côté de l'anglais. Puis sortant de ma voiture qu'enfin j'ai fini de garer je me prends à siffler joyeusement...

     


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