• Le Nouveau Fruit Sacré (64)

    La nuit entière se révéla trop courte pour tout ce que j'avais à régler dans ma tête. Je ne me couchais qu'aux aurores. Empli du sentiment toutefois d'avoir pas mal avancé. Il m'était venu l'idée de pousser mon vieux fauteuil sur le perron de la maisonnette. L'air me sembla frais et passablement humide. Mais je compensais en me couvrant d'un sac de couchage épais qui habituellement me servait déjà de couverture. Il faisait nuit bien sûr et je ne distinguai Rien de Réel au delà de dix mètres. Malgré la Lune qui revenait de temps en temps entre les nuages. Mais ce n'était pas de cette nuit que je me réveillais comme si je venais de dormir cent ans. La nuit de la montagne n'avait rien de triste ou inquiétant. Le silence était magnifique mais loin d'être parfait sur le plan purement acoustique. Le moindre souffle de vent me revenait comme une suite de notes musicales chargées de m'aider à réfléchir et avancer dans ma nuit qui n'était pas celle qui assombrissait la montagne. J'entendais les craquements de la forêt et des cris d'animaux nocturnes. Des bruissements cristallins flottants dans ce noir naturel. Quel était le problème.. J'étais redevenu quelqu'un et déjà je craignais les regrets qui forcément allaient accompagner les années perdues. Mes étoiles mortes. Mais je voulais me montrer plus costaud que mon sort. Cette fâcheuse tendance à ruminer l'impossible il me faudra l'affronter ou alors c'est à ne plus rien y comprendre. Je renaissais de mes cendres doté d'une conscience plus claire que tout ce que j'avais rêvé, et je ne saurais tordre le cou aux vieux réflexes?.. Sûrement pas. Je me disais. Demain ressemblera absolument à la journée d'hier. Seulement demain je veux vivre pour de bon. Ici ou ailleurs n'a pas grande importance. Puisque je suis bien ici après tout.. Raymond m'offrait ou plutôt m'obligeait.. À réfléchir aux fondamentaux. La vie.. Et la vraie mort.. Celle où on s'étouffe et on pleurerait volontiers si ça donnait seulement une chance sur un milliard d'y changer quoi que ce soit. Seulement ce n'est plus du roman. Ou alors il est écrit et imprimé avec toutes les garanties officielles en grosses lettres. Et là plus moyen de remplacer une phrase par une dernière à laquelle on viendrait de penser à l‘instant même. Plus Percutante.; . L'effet de cette image est saisissant. Voici la seule et unique explication rationnelle du fameux courage des moribonds. Ils observent en détail la réalité et fixent le mystère dans toute son horreur. Sans pleurer puisqu'on a encore jamais vu quelqu'un pleurer pour rien et sans espoir. J'étais prêt à parier que Raymond n'y échapperait pas. La place qu'il m'offrait dans sa mort avait pu me paraître quelque peu exagérée. Je ne le connaissais que depuis trois ou quatre ans comme je m'en étais longuement expliqué avec David. Nous avions pêché et récolté quelques champignons après qu'il m'eut ramassé en stop un jour où il pleuvait à verses et le réservoir de ma bagnole était à sec. Combien de fois nous étions nous rencontrés en vérité. Pas tant que ça et qu'il le croit lui même. Heureusement David était passé par là pour me permettre d'entendre comme l'aspect uniquement comptable de notre amitié importait peu. Puisque pour lui dans ses souvenirs et au moment de partir, il me décrétait l'ami indispensable qui vient lui fermer les yeux donnant ainsi toute sa valeur à son existence et la clôturant. Demain je ne courrais pas plus vite dans la forêt. Pas plus que mon débit de paroles ne va se mettre à dérailler. A l'œil nu on n'y verra rien. C'est dans moi et mon secret silencieux que je pourrais contempler le nouveau fruit sacré que j'y fais pousser. A l'Abri des Regards Indiscrets. J'éprouvais le sentiment que je me devais d'écrire le bouquin qui me restait coincé dans la gorge. Que cela me plaise ou non je m'étais piégé tout seul. Je n'avais personne à qui reprocher ce qui m'était arrivé. Remplacer la maudite réalité par des sornettes en peau de lapin avait un prix parce que tout a un prix. Je voyais déjà ce beau romain d'aventures et de Légendes Urbaines. Pas un de mes potes n'y manquerait et pourquoi me fouler en allant chercher au loin ce que j'ai sous la main. N'est-ce Pas Ce que j'avais Toujours Fait.. Recyclant Inlassablement la Maudite Réalité.. Je ne risquais plus de changer à mon âge. Je pensais. Et ne m'avait-il affirmé que c'était Une Sacré Coquine dans sa jeunesse. Une chance pareille c'est pas fait pour tout le monde. Il faudrait que je sois fou pour refuser ça. Je n'allais pas cracher sur de pareils personnages tout de même. Raymond la Science et sa Coquine.. Voilà déjà un petit problème de réglé. Au moins je n'aurais pas perdu mon temps dans cette nuit non pas d'insomnie mais d'Éveil...


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