• Les Citadins écoeurés (9)

    Je terminais mon travail sur l'Andalousie et me retrouvais chez moi sans rien faire. Les pluies avaient cessé et quoique les nuits semblaient encore fraîches, les journées devenaient belles. Franches et lumineuses, baignées du soleil calme particulier à la région. Et je pouvais rester torse nu dehors parfois dans les meilleures heures. Ce dont je ne me privais pas. J'adorais les caresses tendres sur ma peau de cet air tiède et blond. Nous vivions bien dans le sud et je m'en réjouissais, avec en prime l'herbe grasse des coteaux qui offraient l'illusion d'un petit coin de Suisse. Je n'avais toujours pas réparé ma voiture, le garage était trop cher. Il allait falloir me résoudre à mettre la main à la pâte, dès que j'aurais pu récupérer les bonnes pièces à la casse. Je me disais régulièrement. J'aimais pas trop ça la mécanique, mais bon.. Les traductions ne me laissaient que de quoi payer le loyer et vivre en paix quelques semaines supplémentaires, puis reviendrait le temps du bricolage. Je touchais aussi un peu d'aide sociale, avouons le. C'est une des grosses tares de ma génération un peu spéciale d'avoir ainsi fabriqué des gens qui s'intéressent à tout, mais qui vieillissent mal souvent. Trop instables, surtout vers la fin quand il s'agit de terminer la course. Dans le sprint final. On commence seulement à prendre la mesure du phénomène et les autorités feraient mieux de s'en inquiéter. Je n'écrivais pas beaucoup non plus. J'avais la tête ailleurs. Mais comme je l'ai déjà expliqué ce n'étaient que des lignes.. Durant plusieurs jours je ne fis que tourner autour de la maison., et je remarquais à l'occasion le va et viens qui remuait la campagne. Un curieux manège qui ne pouvait plus passer inaperçu. On en parlait aussi beaucoup En Bas en ville et aux comptoirs des cafés. Ou les jours de marché. Les étrangers débarquaient en force et ils achetaient cher le moindre caillou. Il n'était plus rare du tout de croiser des anglais, des allemands ou des hollandais sur les petites routes oubliées. Ils fouinaient de partout avec le nez au vent et leur mine agaçante. Cinq ans plus tôt je n'avais eu aucun mal à trouver cette maison, d'ailleurs tout était quasiment vide aux alentours. On ne comptait pas alors les fermes à l'abandon; Les gens se marraient en douce quand ils voyaient des types comme moi prêts à s'isoler sur les flancs de la montagne que leurs parents ou leurs grands parents avec un malin plaisir avaient déserté pour les villes merveilleuses des plaines côtières, ou pour devenir fonctionnaires dans les infâmes cités modernes. Puis voilà que la campagne devient une vraie poule aux oeufs d'or. Les citadins écœurés ne rêveraient plus que de ça, poser leurs valises de marque dans les coins les plus tordus et inaccessibles qui soient. Une sorte de folie collective assez semblable à l'exode en temps de guerre. A croire que les barbares avancent en rangs serrés et sans une ombre de pitié écrasent et repoussent la civilisation sous leurs bottes. Se réfugier alors au fond de vallées perdues qu'il faudrait s'empresser de fermer à double tour... Seulement l'air est pollué En Hauteur qu'on se le dise bien. Si on en juge d'après les dernières études scientifiques qui prédisent l'étouffement de la planète et la fin de tous nos petits soucis. Inutile après ça de s'abuser quand Au Vert Trompeur.. quoique nous savons tous au fond de nous -mêmes comme nous saurons nous montrer obstinés. Gare aussi au premier qui lâchera le morceau et ne fera plus semblant. A ce rythme le silence aussi deviendra une forme d'illusion si nous perdons la dernière bataille. Et en sommes nous si loin...


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