• Rien que des Pédés (17)

    Quand je dis qu'il y avait de tout, comme si chacun ressentait le besoin de retrouver une communauté ne serait-ce qu'à mi-temps. Nous étions pour la plupart venus chercher le silence, et ce dernier aussi connaît ses règles excessivement humaines, ses trop-pleins et ses sécrétions peu ou prou avouables. Le sieur Bastien Potiné par exemple. Je dis son nom en entier parce qu'il semblait y tenir particulièrement vu qu'il l'affichait en grand sur son superbe camion tout terrain avec intérieur cuir. C'était le riche de la bande, parce qu'il en faut toujours un. Son entreprise sur le littoral faisait des affaires en or avec le boum de l'immobilier que connaissait la région. Mais il prétendait ne plus aimer le littoral depuis qu'une nuit il s'était réveillé avec une bande de malfrats autour du lit qui en voulaient à son coffre fort. Avec d'énormes flingues à la main à l'en croire. Cette explication avait du bon et je pouvais fort bien la comprendre. Il aménageait les placards, les cuisines, les vérandas et toutes ces choses qui coûtent la peau des fesses et que les gens achètent autant par nécessité que pour meubler les cases vides de leur existence. Bastien ressemblait exactement à ce à quoi il devait ressembler. Il portait moustache et son humour un peu épais comme lui pesait des tonnes. Forcément de temps en temps on se disait que cela ne dérangerait personne si quelqu'un pouvait avoir la bonne idée de lui en retourner une. Néanmoins pour faire bonne mesure on se sent comme toujours obligé d'ajouter qu'il n'était pas bien méchant et qu'il se montrait généreux. Il semble que c'est la règle de ne jamais oublier de préciser que les abrutis ont aussi de l'humanité en eux. J'ai lu un reportage qui tendrait à prouver que certains animaux également partagent jusqu'à quatre-vingt-seize ou dix-huit pour cent des chromosomes humains. Je ne me souviens plus exactement desquels il s'agit. Rien à voir avec le sujet me rétorquera-t-on. Mais je crois dur comme fer que la vie est un Grand Tout qui ignore les fines nuances inventées par l'homme empressé d‘oublier le paquet de viande douteuse qu‘il est toujours resté en se redressant au dessus du magma animal. Plus élégant que le sanglier certes mais tout juste au dessus du singe pour parler en termes de niveaux.. Bastien Potiné justement et comme s'il tenait à renforcer mes préjugés concernant ma propre espèce, alignait difficilement une phrase entière sans que le mot Pédé lui passe en bouche pour une quelconque raison. Je suis pas un pédé.. T'es pas un pédé Tout de Même.. Tu me prends pour un pédé.. Et les Rien que des Pédés.. Structuraient chez lui toute forme d'expression un peu comme si son cerveau se serait effondré sans cet échafaudage sémantique. A part cela il pouvait se montrer bon camarade et je l'ai déjà souligné. Mais de là à me compter parmi ses amis les plus intimes, il y aurait eu un gouffre à franchir. N'empêche que dans le bruit ambiant il faisait parfaitement l'affaire, et je n'étais pas là dedans à m'offusquer sous prétexte que mes propres tares se seraient révélées plus passionnantes que les siennes; Étant le premier à convenir qu'il se montrait souvent amusant, surtout quand il collait aux fesses de toutes les femelles qui passaient, à peu près sans exception, à sa façon personnelle et très spectaculaire. Pendant que dans ses yeux brillait la petite flamme du droit de cuissage...


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