• Vivant à l’Intérieur (75)

    Monique sembla se calmer au point de pratiquement s'endormir. Alors même que les médecins s'affairaient pour ramener Raymond de son état intermédiaire entre les deux mondes qui nous posent tant de problèmes et le plus mystérieux n‘est pas forcément celui de l‘Ombre... En refroidissant la transpiration qui couvrait l'ensemble de mon corps m'indisposa terriblement. Je fonçais aux toilettes à proximité pour me nettoyer autant que je pouvais. M'aspergeant des litres d'eau sur toute la surface de peau libre. Mais je me fis un peu peur en me découvrant dans le miroir. Il me semblait que ma peau virait au vert comme l‘air qui flottait dans tout le service et me contaminait. Avant d'admettre que je cuvais simplement une petite biture. David revenait déjà quand je sortais de là. Il s'adressa directement à monique. Vous devriez manger quelque chose en attendant. Elle se contenta d'observer le sandwich comme si on lui présentait un objet étrange et inconnu. David insista. Votre mari va avoir besoin de vous alors autant retrouver un peu de forces. Et puis ça va le rassurer;.. Je vous en prie. Il faut vous alimenter.. Faites le pour lui.. Elle avala péniblement de la salive qui lui encombrait la gorge et se redressa sur son siège. Merci. Elle fit en s'emparant du sandwich. A mon tour je me laissais aller dans le fauteuil en fermant momentanément les yeux. Sans me soucier du va et viens des infirmières ou des visiteurs autour de nous. La question qui me tarabustait était de savoir pourquoi diable ils s'amusaient à faire revivre Raymond. Comme si le mieux n'aurait pas été de le laisser partir tranquillement dans ce sommeil sans rêves. Qu'allait-on lui expliquer pour justifier cette grosse plaisanterie. Toute notre belle équipe;. À l'unanimité générale vous décerne le prix du Mort-Vivant.. Ce qui nous fait exactement.. si je ne me trompe pas(le toubib rigolo consultant sa fiche..)... Quarante-huit heures chrono cher monsieur. Montre en main et pas une minute de plus. On a pas que ça à faire;. Nous. Et il y en a d'autres qui attendent la place dehors.. Pensez à pas traîner. Réglez vos affaires comme vous pouvez.. Jetez un dernier coup d'œil au monde des vivants si ça vous fait plaisir;.. et Adieu;... Au dehors des multitudes de crétins même pas méchants se marrent comme des baleines. Se remplissent la panse comme des porcs et baisent à qui mieux mieux.. Ca fait râler hein mon vieux. Si c'est pas drôle ça.. Ouaih.. Je pensais tout en me disant que je n'y pouvais rien. La farce est bien plus générale et ceci n'est qu'une minuscule péripétie de l‘ensemble. La comédie dépasse largement ce bout de couloir verdâtre. C'est à l'échelle planétaire qu'il faut se placer pour commencer à entrevoir la tragédie tellement énorme que plus personne ne songe à se rebeller depuis la mise à mort de celui qui promettait le salut éternel. Pardonnez Leur mon Père, ils ne Savent ce qu'ils Font.. Mais en ce qui me concerne je sais depuis un moment que le salut n'est pas de ce monde. Un seul univers contient la solution de toutes les injustices et c'est celui que j'invente dans le silence de mon esprit libre. Tout le reste n'est que foutaise. Monique cala à la moitié du sandwich avec son ventre qui avait du rapetisser d'une bonne moitié en quelques semaines. Elle le posa distraitement sur le fauteuil resté libre où je continuais à l‘observer. Les traces de dents sur les tranches de pain ouvertes gisant sur la toile de plastique où d'autres vont venir poser leurs culs résumaient à elles seules l'obscénité absolue de Cette Vie Sur Terre;.. Bizarrement elle se tourna vers David pour quémander une attention. Il se pencha légèrement vers elle en gardant ses mains croisées. La scène commença à m'intéresser. Il avait une façon assez particulière de lui sourire que je découvrais. En moins d'une minute et sans rien dire ce fut comme s'il la ramenait à la vie elle aussi. Sur le sol ferme de la planète qui autorise à s'imaginer le lendemain sans trop culpabiliser ou s'étouffer de rage dans l'impuissance. De s'adonner à la vie en se décidant à la considérer pour ce qu'elle est et rien d'autre. Une forme d'obligation naturelle que rien nous oblige à démesurément remettre en question. Une sorte de sport sans queue ni tête mais qui met tout le monde d'accord au final et la preuve c'est que nous sommes là autour de Raymond pour le soutenir tant que c'est possible alors que très clairement.. Qu'avons Nous A Gagner Dans Cette Affaire.. Je ne me trompais pas en apercevant une mince lueur dans les yeux de Monique. Elle semblait vouloir avancer ses mains vers David qui anticipa sur son geste et s'en empara. Ca va aller.. Il lui dit. Juste ces trois mots. Pas plus et pas moins. A partir de là je pus ressentir physiquement ce qui se passait dans le corps torturé de Monique. Comme la souffrance reculait pour quelques instants afin de permettre aux cellules soumis à la pression permanente de se régénérer. La différence entre David et moi dans cette étrange émulation était que lui savait à quel point Monique ne voulait pas Encore suivre son mari dans la tombe. Tandis que moi c'est tout juste si je ne lui proposai pas de négocier un prix de groupe avec le croque mort. Pour Raymond; pour elle, et pourquoi pas aussi un petit geste envers moi tant que nous y étions. Avec la vision radicale que je cultive qu'est-ce que ça me coûterait après tout d'anticiper de quelques années si ça peut me simplifier l'existence et ne change rien à ma place Dans l'Éternité.. Sauf qu'en ce moment justement. Je me serais dit aussitôt;... Je n'avais pas encore conclu avec Maggy et là tout de même je pouvais passer à côté d'une sacrée découverte. Heureusement je ne me vois pas si idiot. J'aurais pensé. Pas plus que je n'avais épuisé les charmes de Rachel.. Été au bout de mon histoire avec Danielle qui mine de rien.;. Et puis il y avait surtout les fantasmes qui m'agitaient depuis que Juliette s'était avisé de porter à ma connaissance.. quoi d'ailleurs. Que pouvais-je prétendre de si précis là dessus?.. Enfin il y avait ces milliers et milliers de lignes qui finiraient par m'expliquer un jour ce que je cherchais réellement le jour ou plutôt la nuit où je me suis mis à écrire sans que personne ne m'ait jamais demandé quoi que ce soit. Bref j'avais du pain sur la planche avant de me voir autorisé à clamser. A moins de faire preuve d‘Abandon... En attendant je savais mieux ce que je faisais dans ce couloir aux fauteuils verts et jaunes à respirer un air qui rentre et sort de la bouche des mourants avant d'atterrir dans les poumons des vivants de passage. (Qui eux ne se doutent de rien...) J'étais Venu Là Réfléchir A ma Propre Condition.. Voir comment je pouvais me sentir dans l'antichambre de la mort. Réagir. Ruminer. M'apitoyer. Spéculer.. Pleurer. Me révéler. Déclamer. Chanter.. J'aurais même pu tringler en beauté la jeune infirmière qui vient de me sourire et qui je m'avance peut-être, mais je suis à peu certain de ce que je dis.. Est Complètement à Poil.. Sous la fine blouse blanche. A part un minuscule slip blanc peut-être. Tout les mâles savent ce genre de choses. D'ailleurs il y a fort à parier qu'avec un jolie minois espiègle comme le sien plus d'un toubib a déjà du se la farcir comme il faut. Écartant à peine la légère Blouse Blanche si Pratique;. Je n'étais déjà plus complètement avec David et Monique quand le toubib jovial et rond finit par rappliquer. Il expira à fond en se plantant devant Monique qui lâcha David comme prise en faute. D'une histoire imaginaire certes mais c'est bien pour ça que je l'ai vu parce que c'est complètement mon rayon. Il écarta et referma les bras d'un geste qui signifiait que c'était pas gagné. Je vais vous demander de patienter encore cinq petites minutes. Il se réveille doucement. Mais bon;.. Il ne faut pas s'attendre non plus à ce qu'il vous saute dans les bras. Il fit. Restez calme près de lui. Et tâchez de ne pas le fatiguer. On verra mieux demain ce que ça donne. Ca ira?.. Il demanda à Monique. Celle-ci renifla et répondit d'un inaudible.. Oui docteur.;; Très bien. Alors j'imagine que nous nous reverrons dans les prochains jours. Cher ami. Il fit à David avant de s'éloigner en sifflotant. Les cinq minutes qui suivirent me semblèrent interminables avec Monique prostrée juste devant moi et David faisant preuve d'une patience muette et terriblement élégante. Puis nous pénétrâmes dans la chambre à la queue leu leu avec moi devant et je n'avais pas manqué de toquer discrètement sur la porte. Entrez. Fit une infirmière occupée autour du lit. Raymond gisait là bas blanc comme un cadavre. Mais d'emblée me frappa la vision de toute la machinerie qui l'entourait donnant l'impression que l'on soumettait ce corps à de terribles expériences. Des tuyaux couraient de partout et s'enfonçaient directement dans les membres plâtreux. Ensuite j'observais mieux son visage et ses bras vides de toute substances. Ses muscles, et il n'en avait déjà pas tant que ça, avaient fondu. Ce n'était pas encore un cadavre, mais je sus immédiatement que pour ce qui nous concernait, lui et moi, nos belles parties de pêche, c'était fini. A moins que je mette la main sur un truc mystique et surnaturel que pour le moment je n'ai pas encore trouvé.(Mais je chercherais..)Monique se pencha pour l'embrasser en retenant ses larmes et le réconfort muet de David y était pour beaucoup dans la maîtrise dont elle faisait soudainement preuve. Quelques secondes plus tard je perçus le premier signe de vie sur le visage de Raymond. Je m'approchais et sans réfléchir je me mis à lui parler. Je suis content de te retrouver mon vieux pote. Dis moi un peu comment tu te sens... Je commençais par lui demander. Caressant délicatement son bras transparent. Il ouvrit enfin les yeux pour nous apercevoir. Jssui content.;.. Il put dire avec peine. Je ne le quittais pas des yeux en retenant une larme à mon tour. Une sorte de gros sanglot qui aurait très bien pu sortir si je m'étais retrouvé seul. Il aperçut David et esquissa un signe. J'accompagne mon ami; Lui fit ce dernier. Mel m'a beaucoup parlé de vous. Vous savez. Il m'a raconté toutes les belles journées que vous avez passé ensemble. Je comprend qu'il tienne autant à vous;;.. Il se tut et Raymond murmura en parvenant à retrouver mon regard. S'rait pas curé.. Ton copain.. D'une voix traînante, sifflante, et néanmoins empâtée. Je manquais d'éclater de rire et de joie en découvrant à quel point son esprit vivait encore et ne sombrait pas dans le pathétique. Rien que pour ça j‘étais content de l‘avoir connu; En deux mots il me disait que lui et moi c'était du béton pour Des Siècles et Des Siècles.. Il avait tout compris le vieux bougre Je me damnerais pour écrire une petite phrase pareille qui résume la drôlerie absolue de notre malheur dans à peine le temps de claquer les doigts. Raymond avait tout compris de moi. Malin et intelligent comme un vieux roublard. Je lui pris délicatement une main que Monique n'avait pas pensé à réserver avant moi. Il tenta désespérément de me serrer mes doigts et cet effort misérable me bouleversa. Je plongeai dans son regard. Devinant comme il était parfaitement vivant à l'intérieur. Je ne saurais jamais s'il souffrait et ce qu‘il pouvait penser à cet instant. Mais l'injustice de découvrir cet esprit perdu dans un cadavre me sembla être une épreuve démesurée. Injuste et incompréhensible. Une incohérence qui échappait entièrement à la logique humaine. Une Horreur.. Véritablement une horreur..


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