• Nous sommes déjà en plein après-midi. Les groupes et les affaires de chacun peuvent se reconnaître facilement pour un esprit avisé. Je salue à droite à gauche et je fais des sourires comme en ce moment à un type que je connais de vue. J'aperçois un bras qui se lève au dessus de la mêlée autour du barbecue parfaitement illicite. Je sais d'avance que c'est David pour moi. Lui aussi il a fort à faire pour se marrer et traiter ses petites affaires sans que l'un ou l'autre le regarde suspicieusement parce que tant de joie l'offusque et qu'en vérité cet être là s'est tout simplement réveillé de mauvais poil alors que le pauvre David en définitive n'y est strictement pour rien. De là où je me suis affalé dans l'herbe en pente je peux les voir comme une secte délirante sur le plateau clair et frais au milieu duquel s'étend le lac blanc. Même si c'est dimanche nous nous sommes retrouvés pratiquement seuls dans ce décor inventé par un esprit new-age. Une bande de fourmis montées tout près du ciel pour s'offrir un barbecue et des libations. D'ailleurs je les Vois qui Tendent les Bras et chantent... Vers le Ciel.. Le sacrifice des saucisses et des brochettes aux mystères de l'existence incompréhensible vient de commencer. Tout ça aussi parce qu'il faut bien célébrer la vie et le fameux mystère aussi de temps en temps. Même si à notre niveau cela passe au mieux par une sortie en bagnole en haut d'une montagne avec de la viande rôtie et des bouteilles de pinard. On fait ce qu'on peut je le sais. Grimaçant je me dis que je nous verrai bien tous habillés de lin blanc immaculé. Je ne pourrais donc jamais m'empêcher une seconde de convoquer le mauvais esprit pour conjurer mon sort malheureux et triste. Je me lève enfin vu que c'est l'heure et me dirige vers le festin rédempteur. J'ai faim et mes frères et sœurs sont très gais. Laissant flotter dans l'air purifié un grand sentiment de générosité dans lequel j'aimerais tant me voir enseveli. Ces diverses péripéties mentales évidemment dans un seul et unique but. M'occuper et que j'en vois le moins possible de Juliette que Potiné ne lâche pas d'un bout de semelle...


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    Une fois de plus je me demandais pour quelle étrange raison je n'étais jamais venu jusque là. Un endroit pareil avait de quoi inspirer des réponses éclatantes aux plus grands mystères. Un miroir blanc aux bords immaculés de rochers blancs à peine teintés et aussi d'une herbe verte très claire aussi douce que du velours. J'éprouvais soudainement comme des regrets et cela provoquait assez mécaniquement il est vrai une suite d'enchaînement dans mes souvenirs. Pas n'importe lesquels mais certains qui tournaient alambiqués autour d'un sentiment d'abandon et de solitude. Puis des pensées sexuelles qui ne parvenaient pas au stade de l'érotisme et se contentaient de rappeler le vide d'une condition humaine. Une plaie normale de l'intelligence. Je me suis dit sincèrement que je venais de trouver là une sorte de temple à ciel ouvert où étaler ma peine et ressentir la fierté d'une pareille contemplation puisque je suis si héroïque n'ayant jamais sombré sous le poids de cette peine. Et je me serais adonné à autant d'interrogations en toute innocence au cours des heures tièdes de l'après-midi pendant que mes frères humains faisaient la foire au bord du lac magnifique. Tu veux pas arrêter un peu de faire la gueule?..C'est Chantal qui vient de me repérer dans l'herbe. Je lève les yeux sur ses jambes moulées dans un jeans ce qui n'est pas dans ses habitudes. Je siffle pour lui faire plaisir. Pas mal. Je fais. Ca te change. J'ajoute en tapotant le sol à côté de moi pour l'inviter à s'asseoir. Elle se marre et exauce mon souhait. Comme moi elle tient une bière à la main et en profite pour trinquer. A tes amours. Je lui dis. Elle me fixe. Pourquoi seulement aux miens. T'en aurais pas toi. J'en ai pas. Je lui répond en levant les yeux sur les siens. Petit menteur. Elle me fait. Je pouffe en mordillant une nouvelle brindille sèche. Qu'est-ce qui te fait croire que je suis un menteur?.. Mon petit doigt. Elle se contente de répondre avant d'avaler la moitié de sa bouteille d'un trait. Au bout d'un moment les yeux tournés et happés par la grande surface argentée du lac je reprend. Et il te raconte beaucoup de choses ton petit doigt. Elle ne trouve rien de mieux à faire que de me gratouiller le bout du nez. T'aimerais bien savoir hein mon petit gars.. Mais il faut payer pour ça.. Soudain je me met à renifler son odeur comme un vieux chien. Puis dans un curieux enchaînement je commence à avoir une petite faim. On va peut-être bientôt passer à table. Je lui sors parce qu'en réalité je ne trouve déjà plus rien à lui dire maintenant que je l'ai à portée de main. Quoique je sens que je commence bizarrement à bander. Seulement j'ai pas la tête à lui parler. Quelle histoire. Je crois qu'ils y arrivent enfin au barbecue. Me soutient-elle en avançant le menton vers un groupe assez compact tout au bord de l'eau. Je ricane à nouveau. Ca m'étonnerait que ce soit permis de faire du feu dans le coin. Je dis. Ah ouais.. On pourrait se retrouver en taule. Puis juste après.. Et dans la même cellule.. Toi et Moi.. Et bien. Je reprend. Je n'y avais jamais pensé. Ce qui m'amène à réfléchir sur le fait que cette possibilité ne m'emballe pas. Une image que je vois assez triste encore. Pourtant je bande mais pour que ça colle entre nous il faudrait que cela se limite à ça et que les circonstances s'y prêtent ce qui n'est évidemment pas le cas aujourd'hui. N'empêche que nous continuons à deviser sur le sujet et je ne suis pas en reste. Je me demande bien pourquoi je ne suis jamais venu jusqu'ici.. C'est tout à fait le genre de paysage où je me sens bien certains jours. Je vais le mettre sur ma liste. Je fais. T'es un cafardeux marrant;. J'ai droit alors de sa part. T'en veux une autre. Elle continue en fixant tristement sa bouteille vide au col doré comme si la joie d'une forme de divagation érotique dépendait du contenu. Je boirais bien un bon petit vin. Je crois en avoir aperçu du bon. Continue-t-elle. Je reste silencieux quelques secondes avant d'affirmer que j'ai assez bu Pour Le Moment... Pour dire vrai j'ai plutôt faim. Pendant que monte de la fumée sur le fond blanc du lac de montagne. Chantal se lève lentement. Et bien je te laisse. On se reverra plus tard. Puis me caresse gentiment une joue avant de s'éloigner. Je réalise que pas une seconde mon esprit ne s'était réellement intéressé à ce qu'elle venait de me raconter pas plus qu'à ce que j'avais pu lui répondre. Le pire c'est que j'avais bien envie d'une nouvelle canette parce que tout simplement je crevais de soif. Mais j'étais à peu près sûr aussi que Chantal me lâcherait si je l'oubliais dans sa longue descente et c'est ce que je voulais obtenir. J'observe sa silhouette qui s'éloigne sur la pente herbeuse au milieu maintenant de quelques dizaines de nos amis tout occupés à profiter du moment présent. C'est un bon coup. Je me dis. Mais c'est à peu près tout ce que je me dis à son sujet. Où à peine plus comme j'ai conscience que le jour où je lui courrais derrière il sera trop tard. Elle aura la tête ailleurs comme cela arrive toujours...

     

     

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