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Il nous laissa cinq minutes plus tard et je demeurais sonné. Perplexe à ma place et un tantinet idiot. En premier lieu j
'étais jaloux de Potiné. Mais cette jalousie ne me le rendait pas monstrueux. C'était maintenant plutôt un pion à mes yeux. En fait il gagnait un étrange statut que je ne saurais expliquer. J'expérimentais un aspect secondaire dans ce domaine. Pourtant calé en matière de jalousie J'avais à apprendre encore. J'étais bien loin de la haine qui m'aurait mis dans une sorte de transe. Poussé au coup de sang et inventé je ne sais quel mortel serment. Au contraire je venais de me surprendre à tenter de déchiffrer chez lui la petite part d'humanité qui vaguement aurait pu nous rapprocher. Une heure durant il fut le centre de mon univers. Comme si dans mon silence forcé je m'en remettais à une boule de cristal qui serait venu garer une Ferrari jaune devant notre bar. C'était ridicule comme constatation mais au moins honnête. Voilà bien une fantaisie que je pouvais m'autoriser dans ce silence. Quand Salvador me fondit dessus en me prenant les épaules il me trouva serein et impeccable. Je traversais une vie entière dans mon silence et aucune vague ne flétrissait la surface. Il ne soupçonna rien de l'épisode dramatique qui venait de s'achever. Les projecteurs tout chauds encore. Mes manœuvres secrètes. Nous pûmes, où du moins il eut le sentiment, d'engager une conversation sereine et sans arrières pensées. Ah.. Ya.. Ya.. Qu'est-ce qu'on va devenir dans ce monde de fous.. Dis moi un peu.. Toi qui réfléchis à toutes ces choses;.. Je ne relevais pas. Peu curieux d'alimenter ce débat. Au fait.. Il continua. T'as réfléchis j'espère à ma proposition.. Tu sais que je compte sur toi mon gars.. Il s'accouda de manière à ce que nos épaules puissent se frôler. Comme ça un jour tu t'achètes ta maison comme tout le monde.. T'as pas encore compris comment ça se passe dans nos montagnes..(Remuant gravement le citron..) Pour les gens d'ici tant que tu n'as pas ta maison et ton bout de terre tu fais pas vraiment partie de leur pays.. Eh oui.. Je reniflais en opinant. Je t'avoues que je n'avais pas vu l'affaire sous cet angle;. Je reconnais que cela mérite considération... Satisfait il fit claquer ses lèvres.. Accompagne moi demain Sur le Terrain.. Je vois des Anglais. Ca me rendrait service et toi ça te sortira un peu de ta routine.. Je manquais d'éclater de rire. T'es un malin.. Toi.. Je lui fis. Ouaih.. Il me répondit. Mais lui ne rigolait pas du tout. Il était très sérieux là dessus. Il considérait me semble-t-il qu'être malin était dans son cas une forme de vocation...Dernier Coup de Reins
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Celui-là, tournant le dos au comptoir avec ses coudes en arrière solidement plantés dessus menait son petit monde à la baguette Non. C'est sûr.. il faisait. Qu'il y a encore des bons coups mais;.. J'ai pas non plus marqué pigeon sur mon front.. Les anglais tu les ballades, allez reconnais-le.;. Tous éclataient de rire en frappant les omoplates de Salvador à qui Potiné publiquement faisait la leçon. Pour moi une affaire valable, c'est du simple au double sinon je sais où mettre mon pognon ailleurs.. J'achète cette année et je vend le double l'année prochaine et pas dans dix ans.. Là oui je suis d'accord.. Si t'en connais tu me fais signe, tu sais où me trouver.. Salvador pourtant rôdé à toutes les exagérations commerciales se dit qu'il y allait un peu fort. Si c'était facile on serait tous milliardaires.. Rétorqua-t-il et je m'étonnais de l'entendre aussi sage. Je me suis habitué avec lui à des audaces sans frein. Il est si incertain de l'avenir à l'échelle même d'une semaine qu'il conjure le sort comme un damné accroché à ses porte bonheur. Son truc est d'être positif. De ne jamais avouer un doute, une légère faiblesse qui ferait tout s'écrouler. Il grogne de plaisir du matin au soir. Il mord dans sa chance et s'il lui trouve un mauvais goût il jure qu'il aime ça. Il combat jour et nuit, ne baisse jamais la garde. Un guerrier joyeux à l'humanité parfaitement contrôlée. Un cas d'école bien adapté à notre petite vallée rachitique et biscornue. Comme nous tous avec chacun sa manière. Coincé au ras des montagnes trop orgueilleuses comparées à nos petites vies. Il évite comme il peut la contemplation des cimes. Ce qui en fait un type bien selon l'avis général. D'une plaisante humanité qui ne lui attire que des compliments. Alors c'est que t'as pas de bons coups à me proposer.;. Repart Potiné. Moi je t'ai déjà dit ce que je cherche.. Des petites ruines à retaper et ensuite je les loue dans le système des anglais;. Je les garde un an ou deux maximum pour les impôts;. et je les revend.. Et en attendant c'est ta petite jeune qui s'occupe des locations.; Il faut bien qu'elle s'occupe c'est pas vrai?.. Antoine minaude un peu par en dessous. C'est une technique que je lui connais. Il lance un premier hameçon gentiment. En attendant de voir ce qui remonte. Toujours l'air d'être là un peu par hasard. Si ça accroche il sort la suite planqué dans sa manche, ou il improvise. C'est selon. Dans ce cas précis il gratte l'histoire de Juliette qui émeut un peu tout le monde. Faut-il aussi que Potiné soit dans un bon jour et morde à l'hameçon qui me paraît vraiment gros; . Enfoiré.;. La réplique ne s'est pas faite attendre mais je la prévoyais un peu. Je suis toujours marié au cas où tu sais pas.. Je suis pas pédé ducon.. C'est pas un mec qui m'attend quand je rentre chez moi.. Qu'est-ce que t'avais cru?.. Il faut bien que je pense à mes résidences secondaires pour les vieux jours.. Dans moins de dix ans j'arrête tout;. Qu'est-ce que tu crois?.. Que je vais me tuer au boulot jusqu'à soixante dix ans.. Y a assez de blaireaux sur Terre qui demandent qu'à bosser.. Je les laisse;. Mais alors c'est elle qui va s'occuper des locations si j'ai bien compris.. Minaude encore Antoine qui a ses petites fiches à mettre à jour sur toutes les grandes questions nous concernant. Ouaih.. Il y a des chances.. Elle est bien cette petite.. Douce.. Calme;. Très intelligente(levant l'index;.).. Que des qualités..; Elle peut faire son trou par ici.. Tout ce qu'il faut pour elle;. Parle toutes les langues.. Mais quelles langues exactement.. Couine à nouveau Antoine alors que tous semblent cesser de respirer. Déjà c'est pas ta langue de pute.. Le tacle Potiné en se retournant. J'ai personnellement ressenti ce qui se tramait derrière les mots; Comme une brûlure qui par ricochet me touchait en plein cœur. Potiné avait donc lui aussi ce point sensible. Une façon de se sortir d'affaire et des gestes plus vifs que ceux que je lui connaissais d'habitude. Un homme alors corruptible et faible. Le pauvre. Sur une île déserte où nous nous retrouverions seuls je me demande bien ce qui pourrait arriver. Discrètement mes yeux glissent sur Sam qui a l'air d'être à cent kilomètres de toutes nos méchancetés. Levant son verre avec le petit Jason. Doux et brillant. Comme sur une autre planète. Allez Michael.. Fait Potiné. Tu nous en remets une vite fait.. Je dois y aller.. J'ai pas que ça à faire .. Moi.. Nous balance-t-il encore superbe et contrarié...
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Pour en revenir à la jalousie je lui dois de m'avoir éclairé sur ce qui mijotait en moi. La sauce amère que c'était. Je devenais dingue avec cette histoire de Juliette. La présence de Potiné comme la petite question bête du gros Louis, furent mes révélateurs. Un demi secret retenu dans mon ombre intérieure. J'en étais bel et bien dans cette confusion à tomber amoureux. L'aveu m'étourdissait. Seulement c'était parfaitement ridicule et il n'y avait pas de quoi se vanter. Ma lucidité se chargeant de tout le sale boulot. Mon KO viendrait de l'intérieur sifflait la méchante petite voix. Toujours mon plus terrible ennemi debout sur pattes dans la vieille peau. Aucun effort à fournir, la bête de somme n'avait jamais pu lui refuser quoi que ce soit. Fussent les pires trahisons; Autres ignobles souffrances bien souvent imméritées. Je ne tirais pas la gueule, loin de là. Je semblais aussi à l'aise que n'importe qui. Qu'est-ce que tu deviens toi.?. Vint par exemple s'enquérir Potiné à mon sujet. C'est pépère... Je lui répondis. J'ai mon petit boulot maintenant.. Il fait beau.. La vie est belle.. Et toi?.. Je lui demandais.. On est en plein boum cet été.. J'en suis à rêver que ça se calme un peu.. C'est incroyable non?.. Tu sais.. Il faut pas croire.. J'ai l'air comme ça.. Mais il y a pas que le pognon dans la vie.. Attends!!.. Je rêve là ou quoi.. prend moi autre chose que ton café nom d'une.. Allez.. Tu me fais de la peine.. J'aime pas ça.. Et voilà. A un autre j'aurais poliment refusé. Seulement devant Potiné on ne pouvait que se rendre. A aucun moment dans une conversation avec lui il ne subsistait la plus petite chance de le contrarier, et c'est ainsi que je me retrouvais avec un apéro à la main. Oh.. lâche moi cinq minutes.. Il s'exclama quand Salvador tenta de lui verser je ne sais quoi dans le cou. Cela devait être un bout de glaçon. Ah.. Enfin tu me fais plaisir.. A la tienne.. Il fit en me voyant lever l'apéro. Apparemment content il se retourna et m'oublia aussitôt. Ce qui me permit de reposer l'apéro sur le comptoir sans craindre une nouvelle câlinerie de sa part qui aurait pu me tuer. Oh v'la l'autre.;. Lança Robert en m'apercevant depuis l'entrée. Il y a toujours un autre qui quelque part attend... je répliquais. Propos qu'il sembla soupeser attentivement. T'as raison.. Il conclut en se tenant le menton. Alors mon ami.. Comment ça se passe pour toi.. Tu t'installes.. Je m'enquis assez heureux de cette nouvelle tête qui ne venait pas empiéter sur mes tourments. En dehors de cet endroit;. Il y a pas grand chose dans le coin;. C'est un peu mort... Non?.. Je te le fais pas dire.. Je répondais. Mais te plains pas;.. c'est ce que tu voulais ou je me trompe;.. Nous partîmes ainsi dans des considérations de cette importance. Puis au fil des idées il voulut savoir si j'étais pêcheur et je faillis répondre oui. Pour mon bonheur il continua sa phrase et j'eus le temps de me dire que la pêche pour moi c'était complètement fini. Alors t'es pêcheur ou t'es pas pêcheur.. Il insista. Je voudrais pas te décevoir.. Mais la seule fois où j'ai essayé je devais quinze ou seize ans et ça ne m'a pas donné envie de recommencer.. Ah bon.. Il soupira. Dommage;. C'est bien dommage.. Mais tu fais quoi alors de tes journées.. Il sembla s'inquiéter. Je reniflais tristement. Fixais brièvement le plafond en me disant que l'âme de Raymond ne m'en voudrait pas. Je le voyais se marrer plutôt. N'était-il pas un jeune mort après tout. Et plutôt coquin. Je me souvins confus que je n'étais jamais retourné sur sa tombe après l'enterrement qui ressemblait à une petite réunion entre amis. Monique que je n'avais revu que deux fois malgré mes promesses. Je me jurais de remédier à autant d'indifférence dès le lendemain. Tout le matériel de Raymond pourrissait chez moi dans un coin. Les cannes comme de beaux roseaux secs rongés de poussière. Je me voyais mal les reprendre sur une épaule et m'en aller suivre Robert le long de la rivière. Je n'avais jamais été pêcheur de ma vie. Seulement le copain de Raymond, et comme il pêchait je m'y étais mis avec un enthousiasme qui l'a suivi dans la tombe, mort et enterré avec lui. Robert parle trop à mon goût pour que je parvienne à le supporter dans les mêmes sous bois qui nous menaient à nos jolies coins de pêche. Je ronchonnerais sur ses traces. Il gâcherait tout avec ses façons franches qui ne laissent aucune place au triste repentir de l'âme. Il ne connaît rien aux joies du silence. C'est un brave garçon certes. Mais il y en a trop comme lui sur terre. Puis surtout je commence à me sentir très vieux et fatigué. Plus le goût ni la force de remettre une nouvelle amitié au feu. Je cuis dans mes contradictions et moins j'en dirais meilleures seront mes nuits. Ah.. C'est dommage.. Il parait que c'est plein de truites par ici. Tu veux pas essayer.. C'est sûr;.. Je me tus et il lui parut opportun de découvrir si j'étais marié ou peut-être avec une femme. Non.. Je fis sobrement. Mais alors tu fais quoi dans tes journées?.. Ouih..o'f... je regarde passer le temps.. J'imagine;.. Il s'assombrit avec une pareille réponse qu'il prît pour une énigme. Pourquoi pas.;. Conclut-il peu convaincu et nous restâmes silencieux un moment avant qu'il entreprenne de se mêler à la conversation de la bande à Potiné...
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