• Je franchis la lourde porte du petit immeuble de pierre grise alors que la nuit tombait, mais déjà depuis longtemps le soleil s'était planqué derrière la barrière montagneuse à l'ouest. Le calme légèrement désuet et gris me saisit dans le hall bordé de colonnes sombres autant que la grande croix au mur et son homme supplicié qui figea mon regard. Chaque étage correspondait à un logement mais il s'en dégageait un tel silence lourd et souterrain que l'on ne pouvait manquer d'y lire la marque d'une tribu spéciale et profondément engoncée dans l'étrange atmosphère. Une porte s'ouvrit alors que j'atteignais le premier étage d'où je vis sortir une ombre couverte d'un châle et se déplaçant avec des demi pas curieusement raides. La silhouette se tourna pour m'observer en refermant la porte calfeutrée. La femme que je qualifierais de vieille par une sorte de réflexe verbal s'adressa à moi. Vous allez chez monsieur le curé je crois. Elle me fit m‘enveloppant de son regard. Je répondis pas un sourire gêné. Oui, il m‘attend. C'est au troisième je crois... Bonsoir monsieur. Elle conclut sobrement tout en entreprenant la descente de l'étage à pas lents et s'accrochant à la rampe de bois patiné. David m'avait prévenu. Des gens de la communauté occupaient l'ensemble de l'immeuble; Je préfère te le dire. Mais te biles pas non plus. Ils sont très gentils et discrets. Je peux te l'affirmer. N'empêche que cette image brute qui me tombait dessus et dans laquelle j'étais le monsieur qui rendait visite à monsieur le curé de la paroisse avait de quoi m'effrayer. Je me suis même demandé si dans ce contexte il n'allait pas se révéler quelqu'un d'assez différent de celui que je connaissais et avec tout ce que cela pouvait comporter. Je réalisais seulement à cet instant que c'était bel et bien la première personne de ce genre que j'avais jamais connu dans ma vie. L'étrangeté soudaine de la situation me frappa d'autant plus que je le fréquentais depuis un petit moment déjà et que je n'y avais jamais accordé une si grande importance. Je montais alors jusqu'au troisième empli de sentiments diffus. Heureusement quand juste après que j'eus toqué à la lourde porte de chêne, il n'y avait pas de sonnette, David m'ouvrit armé d'un sourire qui balaya immédiatement toutes les interrogations. Il n'avait pas changé dans la journée, et il aurait fallu être malin à cet instant pour quelqu'un qui ne serait pas dans la confidence, pour deviner ce qu'il pouvait bien foutre dans sa vie. Heureux de t'accueillir chez moi. Il fit en m'offrant le passage...


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  • Je voyais David régulièrement depuis notre première rencontre. Une ou deux fois par semaine il me rejoignait et nous partions courir. Je lui étais reconnaissant de se montrer toujours relativement pressé dès la fin du parcours. Mais je n'étais pas dupe. Je Savais qu'il Savait... Il agissait de la sorte en ayant deviné l'extrême sensibilité de mon seuil de tolérance à toute présence humaine. Je n'étais Pas Prêt. Ma nouvelle immersion dans le grand bain de mes semblables se passait relativement bien et plutôt à mon grand étonnement, mais il en était ainsi parce que je gérais au mieux mon emploi du temps. Il n'était jamais question de profiter de moins d'une dizaine d'heures de solitude pour chaque heure de vie dépensée en société. Je tenais à ce ratio comme à la prunelle de mes yeux. La maintenance était à ce prix, un peu du même niveau que l'entretien d'une machine compliquée comme les hélicoptères. J'apprenais à compenser, avec une extrême prudence. Je ne jurais pas que cela durerait jusqu'à la fin de mes jours, mais je ne voyais pas aussi comment je pourrais faire mieux. Je m'adonnais à ce calcul avec ma bouteille de vin sous le bras et bien emballée dans un sachet qui ne laissait rien deviner. David m'attendait chez lui dans le nouveau logement qui d'après ce qu'il m'avait dit sentait très fort la peinture et il s'en désolait. Au menu je devais trouver ces pâtes aux fruits de mer dont il semblait particulièrement fier. Je faillis lui dire de ne pas trop s'en faire côté cuisine. Je m'abstins heureusement. S'il est vrai que je ne prête aux aliments qu'une médiocre attention, généralement, rien ne m'empêchait aussi de faire un effort et me montrer poli et amical. Puis je me souvins comme j'avais répondu aux sollicitations de Raymond à peu près dans le même état d'esprit, et que je m'étais rendu chez lui à contre cœur si ce n‘est à reculon. Pourtant j'étais le premier surpris du plaisir que j'en retirais à la fin. Malgré ces souvenirs foutus normalement de m'amadouer je ne parvenais à me défaire d'un sentiment de malaise depuis quelques jours. Je me devais d'admettre que l'amitié de David me flattait. Seulement j'aurais voulu que ça se passe d'une manière toute désincarnée et sans la moindre trace de fluide échangée par nos mains grasses d'hommes quand elles se serrent parce que l'on ne peut s'y prendre autrement dans le monde civilisé. Bref j'aurais voulu être mort et vivant à la fois si une telle chose était possible. Avoir le beurre et l'argent du beurre pour reprendre une expression qui me convient particulièrement bien. La vérité comme je ne faisais pas semblant de le découvrir était que j'avais pris goût à la solitude. Seulement je m'y emmerdais comme un rat et malgré ça j'avais le sentiment que la vie se révélait être une gigantesque escroquerie en ayant omis de prévoir un vrai juste milieu pour des types présentant mon profil. Des gars pas spécialement méchants mais qui peuvent le devenir facilement si on ne tient pas compte de leur seuil de tolérance très particulier s'agissant des innombrables servitudes inhérentes à toutes affaires humaines. Je me dois d'ajouter que je connaissais exactement le même problème depuis le début de l'âge adulte s'agissant des femmes. Je m'étais toujours senti mal dans la promiscuité quotidienne. Parfois même extrêmement mal. Pourtant j'étais prêt à m'accrocher comme une teigne à leurs jupes pour de multiples raisons aussi charnelles que celles qui me donnaient envie de partir en courant cent fois dans la même journée...


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  • Il me fallut une quinzaine entière pour entrevoir une conclusion avec Maggy. Faisant preuve de patience et d'une étonnante stratégie. Elle chauffait un peu plus à chacun de nos rendez-vous que bien entendu nous avions multiplié par trois d'un commun accord du regard. Et si je repassais demain pour qu'on en finisse avec cet article. Je disais par exemple. Elle portait son stylo à la bouche et se jetait sur son emploi du temps pour constater qu'il contenait un trou le lendemain entre quatre et cinq. A chaque fois elle serrait ses cuisses en s'asseyant de travers sur sa chaise pivotante, et moi centimètre après centimètre je gagnais du terrain au fur et à mesure que je m'enhardissais. Définitivement et sans l'ombre d'une erreur, je constatais que c'était bien ses cuisses qui cherchaient à faire de moi un sauvage. Je commençais à fomenter de sérieuses pensées sur ce que je pourrais en tirer une fois les hostilités ouvertes. Je m'amusais aussi à observer sa psychologie qui luttait comme elle pouvait pour lui rendre les choses acceptables. Tout ce travail infernal par lequel elle se sentait obligée de passer alors qu'elle était piégée à mort et n'envisageait plus depuis un bon moment déjà de reculer ni même feinter devant l'imminence du choc. Pour une fois je me trouvais à la bonne place, je récoltais le beau rôle. J'avais l'impression de jouer une liasse de monnaie de singe contre toutes ses économies. L'épargne d'une vie entière. Ce que je reconnaissais aisément. Mais je voulais éviter que cela devienne une sorte d'escroquerie. Je me posais d'ailleurs assez souvent la question mais toute réflexion était piégée par une forte envie de lui lécher les cuisses de long en large comme j'avais finis par me décider à faire dès notre premier galop. Ce qui au vu de ce tremblement de terre me semblait parfait si j'examinais la situation en gardant la tête froide. Elle jouait toute une carrière de femme respectable, épouse correcte, bonne mère et tout le tra-la-la, alors que pour ma part je me contentais d'apporter ma queue (cela ne coûte rien, elle me quitte jamais...) et quelques badineries d'après l'acte pour garder une contenance raisonnable. Je n'oubliais pas aussi qu'elle était à même de me créer quelques problèmes qui pouvaient me coûter mon job en cas de bisbilles. Mais elle était de plus en plus chaude et je devinais que de toute façon moi ou un autre l'heure était venue pour elle de virer sa cuti. Le hasard m'avait mis sur son chemin, qu'y pouvais-je. Mais cette femme à n'en pas douter estimait avoir payé son tribut à la communauté, et tout n'était que question de temps. Le besoin d'ouvrir grand et pour de bon tout l'immense volume qui tenait entre ses belles cuisses la rendait malade depuis.. Depuis quand d'ailleurs,.. et même causait ses migraines qu'aucun cachet ne parvenait plus à calmer depuis déjà une dizaine d‘années. Elle y pensait jusqu'à s'en décoller l'intérieur du cerveau et de la matrice, seulement elle l'ignorait. Voilà le fruit de mes réflexions et j'étais le seul médicament qui pouvait lui convenir. Son toubib à la rigueur s'il avait été prêt à payer de sa personne plutôt que de lui prescrire toutes ces pastilles contre la douleur et le mal de tête ou de ventre, alors qu'il savait pertinemment de quoi elle souffrait. Seulement le pauvre il avait tant à faire et mettant le doigt dans l'engrenage c'est la moitié de la vallée qu'il lui aurait fallu soulager. Et il avait peut-être pas assez de burnes lui même pour un tel labeur... En avait-il Encore.. assez envie aussi?.. Je n'étais pas peu fier de moi quand je pris clairement conscience de tout ça. Je m'étais découvert une mission et comptais bien la mener jusqu'au bout. Chacun doit y Mettre du Sien..Payer sa Part.. Vaillamment...


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  • Une guerre terrible eut lieu à cette époque. Celle là même qui inquiétait tant Danielle. Heureusement pour nous elle se déroulait aux confins de l'humanité. Les journaux n'arrêtaient plus d'en parler, à tel point que tout ce qui se passait là-bas devenait étrangement familier. Mais étions-nous réellement concernés, ce n'était qu'une histoire entre barbares et même des hommes à nous qui paraît-il s'y étripaient, allaient revenir un jour ou l'autre comme si rien de sérieux ne s'y était passé. J'entendais bien des bribes de phrase de temps en temps, mais il était clair que le sujet se voyait traité d'une façon plutôt légère, et du coup chacun poussant son voisin du coude d'un air entendu, on se rassurait les uns les autres et pour de bon. De toute façon, on se doutait que notre vallée n'allait pas se faire remarquer et s'attirer les foudres d'on ne sait quelle bande de fous furieux. Tant que nous pouvions nous tenir à l'écart, voir le monde entier se déchirer et partir en vrille, admirant seulement les effets spéciaux sur les nouveaux écrans plats de la gadjeterie mercantile, et bien oui. Cela ne serait jamais plus méchant qu'un film de guerre au cinéma. D'autant que nous savons tous qu'à la fin les bons gagnent et les méchants ont ce qu‘ils méritent. Toujours. On risquait pas de se mouiller pour la gloire par ici. Pour ma part j'en voyais pas un autour de nous prêt à lever le petit doigt en l'honneur de ces damnées. Nous avions déjà trop à faire pour régler nos petites affaires et certainement aussi que nous manquions un peu d'imagination...


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  • Je fis un bon feu le soir, au point que le poêle se mit à rougir, et je restais à le voir se consumer et s'éteindre encore très tard dans la nuit. La pluie froide avait cogné jusqu'au petit matin et fait chuter la température dehors d'au moins dix degrés. Je n'avais plus d'idées sérieuses en tête et quand je me plantais devant la machine en espérant finir un chapitre qui traînait depuis un moment, je me retrouvais sec et pauvre. Lent comme un escargot. Une fois encore je connus le martyr, le vrai...


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