• Elle m'était un peu sortie de la tête cette dernière, mais je me souvenais de l'histoire au plus petit détail près. Je sentis immédiatement un vrai départ de feu dans mes reins à l'idée de la retrouver. J'eus la vision soudaine d'un monde qui se remontait pièce après pièce comme un jeu d'enfant, un de ces jeux en bois qui servent à construire des villages et des châteaux que les gamins se dépêchent de mettre en l'air à la première impulsion qui leur passe par la tête. Puis il faut tout rebâtir et c'est une nouvelle vie qui recommence. Je payais à mon tour un verre à la cantonade. Tout le monde. Fit Michael en dessinant un cercle avec le doigt. Tout ceux que tu sais. Je répondis. Il repartit vers ses pompes et je me mis à admirer le sol. Je l'admirais d'autant plus que je me sentais fatigué. Je n'avais plus l'habitude de suivre pareil rythme, non que les choses étaient difficiles ou compliquées, mais notre espèce certainement se fragilise à force d'entendre parler du poids de la vie et de toutes les calamités qui l'affectent, on dresse l'oreille à ce radotage, on y prête un peu trop d'attention et on finit par trouver que le moindre effort pèse deux fois son poids réel. Ce fut David qui me secoua. J'ai vu de la lumière. Il fit. Serrant des mains autour de lui. Je voyais bien qu'il aurait souhaité que ce genre de petit geste reste naturel, et qu'en dehors des heures de boulot il avait le droit de venir boire un coup comme tout le monde et rien de plus, mais il ne pouvait empêcher des réminiscences de comportement issus d‘âges anciens, un atavisme jouissif qui remontait de l'inconnu cérébral et se manifestait par des courbettes ou des questions à la con que nul se serait permis de poser au demeuré du coin. Vous êtes bien installé,.. et comment vous trouvez notre petite ville, notre vallée,; nos montagnes, nos petits vieux, nos enfants, nos moutons, le climat par ici, et c'est pas le même que celui d'où vous venez..., c'est plus humide, et encore et interminable, chacun s'empressant d'y ajouter son ânerie personnelle. Que cela plaise ou non un curé fera toujours bande à part, fût-il le meilleur et plus sain des copains. Il expédia ses obligations et revint vers moi. Tu bois un coup. Pour t'accompagner, je suis bien obligé. Je répondis. Il y a pire comme obligation tu crois pas. Alors vu ainsi, on ne va pas se dégonfler, une brune pour la route docteur... Je fis. Tu avances en ce moment. Il me demanda. Je ne vois pas très bien ce que cela signifie pour toi, avancer, pour être franc. Il baissa quelques secondes son regard. Je crois que tu comprends, mais il se peut que j'outrepasse mes droits. Excuse-moi. Je fis celui qui n'avait rien entendu. Pour être sincère avec toi, je passe par des moments un peu compliqués actuellement. C'est sans doute ce qui me rend aussi abrupt. Mais bon c'est pas le meilleur endroit pour en parler, et puis tu dois te dire que c'est moi le curé après tout, on vient me voir quand on ne sait plus à qui s'adresser, ou qu'une grosse connerie reste coincée quelque part et refuse de passer, réponds moi franchement, t'imaginais pas qu'un prêtre puisse se poser ce genre de questions. Je finis par le regarder en face. Tu as raison, mais il n'y a pas que ça. On arrive très vite à un âge dans lequel on peut perdre l'habitude de parler. Je vais être encore plus honnête avec toi, au moins aussi sincère que tu penses l'être toi même, je n'ai pas dû avoir une vrai discussion avec qui que ce soit, homme, femme, animal, même les plantes;. Non.. J'exagère maintenant.. Les plantes je leur parle en vérité.. Mais avec les autres.. depuis sinon.. depuis tellement d'années. J'ai dû oublier le mode d'emploi si ça se trouve, en tout cas je manque d'entraînement. Je ne suis même plus sûr d'en avoir encore Assez envie. Tu vois comme c'est Grave.. Il me posa une main sur l'épaule qui était tournée dans sa direction. Ce qui provoqua en moi presque un cataclysme. Comme si j'avais ignoré depuis toujours qu'un ami pouvait agir ainsi et que le toucher de cette main procurait une sensation vraiment particulière, unique. Je savais pour ce que tu viens de dire. Il fit. Je ne vais pas jouer au devin, je déteste ça. Mais je savais. C'est d'ailleurs pour ça que t'écris. Comment sais-tu que j'écris, je ne me souviens pas que l'on ait parlé de ça. Je l'ai su en venant chez toi, ça se renifle à la porte d'entrée. Et puis, surtout, il y a ton regard, constamment tourné vers l'intérieur. C'est un signe qui ne trompe pas...


    votre commentaire
  • Dans le long silence des hivers sur ma montagne j'avais appris à me taire sur les grandes affaires du monde qui échappent à mon influence et qui en vérité ne me demandent pas mon avis. Le silence et la solitude m'avaient rendu passablement orgueilleux, et j'avais beau descendre dans les vallées maintenant comme un loup en manque. Il y a des traces qui ne s'effacent pas facilement. J'en savais par contre beaucoup plus à présent sur le groupe d'anglais. De toute façon il m'aurait été difficile d'ignorer quoi que ce soit vu qu'ils furent une semaine durant au centre de toutes les discussions du Bar des Champions. Salvador m'offrait ce soir là un verre et pour une fois nous étions tranquille, avec personne autour pour nous tenir la jambe. Je remarquais une lueur dans son regard, qui disait clairement que l'homme traversait une bonne période. Une façon de se tenir aussi, de serrer les mains, de faire des grimaces. Je ne doutais pas une seconde qu'avec ce nouvel aplomb ses affaires ne demandaient plus qu'à décoller. C'est le plus méchant paradoxe de l'existence que je contemplais en couleur et en relief dans ce complet bleu qui me faisait face sur le tabouret. Même sa façon de se tenir perché là-dessus était affectée par cette nouvelle assurance avec laquelle il portait élégamment le costume bleu taillé dans une étoffe légère. Alors mon vieux. Il me fit. Ca marche les amours. Il eut beau accompagner la question par un lourd clin d'œil, je devais la prendre comme une vanne évidemment, il ne pût m'empêcher de penser que j'allais pas tarder à regretter certaines époques quand il crevait de faim. Tu sais... Je miaulais. Oui je sais, je t'ai vu partir avec celle qui transporte les handicapés ou je ne sais plus très bien ce qu'elle fait;... Et toi, tu as dû gagner des millions en vendant des maisons aux anglais. Je rétorquai en espérant le voir changer de conversation. Il fit la moue et en profita pour s'emparer de sa bière dont la collerette de mousse débordait du verre. Il se contenta d'aspirer la mousse et reposa le verre. Eh bien figure-toi que ça tombe bien ce que tu dis. Je viens de leur vendre deux maisons, et il y en a une qui se trouve juste à côté de chez-toi. Attends, parce que la meilleure,.. tu sais pas mais je vais te la dire.. c'est qu'ils voulaient aussi acheter la tienne qui leur a tapé dans l‘oeil, j'ai du trouver une excuse suffisante pour les dissuader d'aller rendre visite d'eux-mêmes à ta propriétaire qui est de la même famille que celle qui leur a vendu l'autre, et avec leurs moyens financiers on ne peut être sûr de rien, quelqu'un va dire, non, non, je ne vends pas, on arrête d'en parler, et une heure plus tard l'affaire est cuite à point et tu l'as dans le baba. D'un geste très universel il me montra ce que cela signifiait pour lui. Un authentique frisson me traversa l'échine à l'écoute de ces paroles. Que Salvador dut remarquer parce qu'il m'affirma qu'il n'y avait plus aucune raison de s'inquiéter. Il veillait au grain. Mais ils cherchent quoi au juste ces gens. Je finis par lui demander agacé à présent et tout en croisant fermement les bras je devenais une huître en colère. Ah, mais tu sais pas, et bien ils achètent des maisons pour faire des gîtes touristiques, mais destinés uniquement à une clientèle étrangère, ce sont des investisseurs si on peut les appeler comme ça. Attends,.. j'ai encore une chose à te dire, je vais bien finir par y arriver. Il y a des travaux à faire dans les maisons que je viens de leur vendre, et ils sont prêts à payer un voisin pour regarder un peu ce qui se passe en leur absence, ensuite il y aura toujours besoin de quelqu'un pour accueillir les clients, parce qu'ils m'ont dit comment ça marche,.. ils s'arrangent pour confier cette responsabilité à un voisin proche des gîtes, et qu'ils rémunèrent bien entendu. Il en ont déjà une vingtaine ailleurs, tu te rends compte. Oui je me rend compte. Je fis sans desserrer les bras. Et bien figure toi que j'ai pensé à toi, eh oui mon coco. Si ça te dit, c'est pas un gros boulot, mais ça peut mettre du beurre dans les épinards, et on ne peut pas appeler ça du travail non plus. Tu vois, c'est Michael qui les a connu, et il m'en a fait profiter, et moi je mets mes amis dans le coup. Toi par exemple que j‘aime beaucoup, et il y a mon copain maçon, plus on est de fous.. Tu sais comment on dit.. c'est la roue qui tourne. Quoi. Qu'est-ce que t'en penses. Je soupirais profondément. Oh, ça te fait un sacré effet dis-donc. Il ne put s'empêcher de m'envoyer. Puis en très peu de temps le bar se remplit. Je me retrouvais avec toute une bordée de mains à serrer, ce qui me remettait toujours dans un état bizarre. Comme de débarquer sur la Lune. Mais cela ne m'empêcha pas de congratuler Johnny qui portait une chemise à franges. Puis Sam s'approcha de moi et me confia qu'il sentait bien l'été qui venait. Ca va être chaud. La mode me paraît bien courte cette année. Forcément il va y avoir du sport, qu'est-ce que t'en dis. Au fait.. Je t'ai vu courir il n'y a pas longtemps, pendant que je faisais une ballade en forêt, il n'y a pas de rapport mais c'est quand même pour ça que je te taquine. Et tu m'as pas appelé. Je lui dis. Il ricana. Je ne suis pas certain que tu aurais apprécié, n'empêche tu as de beaux restes mon salaud. Pas un gramme de brioche, pas comme moi tu vois. C'est bien, ça conserve la ligne de bouffer du chien enragé. Ca entretient la jeunesse. C'est Pas Vrai.;. Eh bien.. Je fis sincèrement surpris par la saillie et la désagréable coïncidence qu‘il me fallait supporter. Le prends pas mal, je t'aime bien, c'est seulement pour te taquiner. Il me sourit et continua sa course. Je savais que je ne pourrais m'empêcher de ruminer ces dernières paroles. Mathieu, Bastien, Antoine, tout le monde. Le gros Louis avait du sentir de loin le fumet qui s'élevait de tout ce groupe, parce qu'il rappliqua en soufflant et ahanant tel un phoque. Bien sûr je ne pus y couper et il se précipita encore vers moi comme à chaque fois dès qu'il m'aperçoit. J'ai entendu parler de toi ce matin, par celle qui s'occupe de l'office de tourisme, tu lui as fait une grosse impression,.. et bien mon gars.. tu vas finir par prendre du galon si tu continues...J'espère.. J'espère bien... Répétais-je froidement...


    votre commentaire
  • J'avais fini par me décider à réparer ma voiture, ce qui ne fut pas sans mal. Le radiateur récupéré à la casse à peine en place que les voyants rouges se rallumaient à nouveau avec un enthousiasme que je ne connaissais que trop bien et qui me rendait malade. Je me résignais enfin à la mettre au garage pour de bon et le garagiste qui me connaissait de vue me proposa de payer en deux ou trois fois sans se faire supplier. Il avait le nez pour deviner ces légers soucis. C'était une grosse berline bleu ciel qui aurait pu servir à une grande famille ou pour tirer une remorque. Je l'avais achetée pour une poignée de cacahouètes quand je l'avais aperçue sur un trottoir avec un panneau collé sur le pare-brise. Le bout de carton était pratiquement jaune depuis le temps qu'il se voyait exposé à la lumière, et j'avais eu le plus grand mal à le déchiffrer. Pour preuve, le type qui l'y avait collé accepta mon offre très basse sans réfléchir une seconde. Ce fut une bonne affaire je crois, mais elle me coûtait depuis trois fois plus cher en essence. Néanmoins je prenais un vrai plaisir à la sentir tanguer et se redresser dans les virages. Rien à voir avec le break sage de Raymond, qui était plutôt une sorte de petite camionnette banale. La mienne bourdonnait et ruait quand j'attaquais les côtes, et exigeait de solides qualités de pilote. Le seul reproche que je pouvais lui faire était qu'elle me mettait en contradiction avec moi-même. Je n'avais pas choisi le meilleur engin qui soit pour me fondre dans le paysage. Ce qui n'était pas très important en vérité et de toute façon je n'étais pas en mesure de m'en payer une autre. Mais pour être franc;.. J'aimais beaucoup cette bagnole. Un sentiment très peu mesurable. De nouveau je me sentais des fourmis dans les jambes. Plus rien à voir avec les années qui venaient de filer. Je montais et descendais le col au moins une fois par jour, parfois plus, et il m'arrivait de pousser plus loin. Sans raison, juste pour m'arrêter sur un point de vue quelconque et m'asseoir sur le capot un moment, avec l'horizon d'une vallée ou d'un torrent aux eaux tumultueuses que je contemplais l'esprit vide et tranquille. Les jours précédents et après quelques hésitations j'avais téléphoné à Rachel. Le ton empressé de sa voix me rassura quand elle décrocha. Je n'étais pas certain du tout qu'elle ait envie de me revoir. Je pouvais n'être qu'une courte histoire aussi hygiénique que dénuée de signification à ses yeux, et ainsi sérieusement l'indisposer en me manifestant. J'aurais compris et accepté sans amertume si tel avait été le cas. D'autant que sa camionnette tournait maintenant comme une horloge et il n'avait jamais été question de rallonges de quoi que ce soit ou de tours de manège gratuits entre nous. J'avais sur mon chemin ces dernières années abandonné toute une cargaison de certitudes comme les illusions que j'en tirais, et j'évaluai encore assez mal les points de force et de fragilité des nouvelles relations sociales qui pouvaient se présenter à mon âge actuel. J'avais pris le chemin de la montagne à un moment que l'on juge critique pour toute carcasse humaine. Quand j'en redescendis je dus me rendre à l'évidence, j'avais raté un épisode et manquais d'expérience si je voulais rester logique avec tout le monde et peaufiner mes nouveaux réglages indispensables. Je sais maintenant que la fameuse Épreuve du Miroir, chacun la passera deux fois dans sa vie. Et que ça lui plaise ou non. La première à quatre pattes avec une couche sur les fesses, et la seconde courbé par la trouille et la fatigue avec la mort au cul. Autrement plus Signifiante... Pour en revenir à Rachel nous finîmes par conclure Qu'on pourrait se revoir un de ces jours,.. pour boire un coup évidemment. Espérant In Petto que toutes ces formule conventionnées tiennent toujours la route pour dire ce qu'elles veulent dire entre un homme et une femme. Tu m'appelles quand tu veux, n'hésites pas. Tu sais où me trouver... Je T'embrasse.. M'avait-elle souflé sur le mode affectueux. C'est ce qu'il me sembla en tout cas. Un soir je tombais sur Danielle avec mon carrosse., et je l'invitais à faire un tour. Et oh, ou tu vas toi... S'exclama-t-elle devant mon insistance enjouée. Je sais ce que c'est une voiture quand même, je voyage pas sur un chameau.. au cas où tu te ferais des idées... Elle me fit une fois installée et alors que je faisais le fier en lui proposant de la promener dans les environs. Je mettais de la musique et on roula calmement durant une demi-heure. J'étais d'humeur à tenter une aventure en vérité et je nous conduisis jusqu'à un belvédère avec une buvette et des parasols. De là haut on apercevait une route en lacets et des voitures qui montaient et descendaient en silence avec leur taille de jouet. Tout paraissait incroyablement parfait vu du ciel. Comme un décor un peu trop beau. C'est l'avantage de dominer le monde et de voir les choses de loin. Sans se perdre dans les détails très souvent négligés par le créateur et après ça encore polués des immondices humains. Un écran entier pratiquement sans limites. Magnifique et millimétré. Grandiose et miniaturisé. Qu'est ce que tu deviens. Je lui demandais alors qu'elle déballait un cornet de glace. Elle soupira en répétant plusieurs fois. Si tu Savais.. si tu Savais... Ce qui signifiait clairement qu'il ne se passait rien. Mais je suis contente de te retrouver dans cette forme. Elle continua. Curieusement je fus dérangé par le compliment qui ne me plût pas tant que ça J'essayais alors d'amener la discussion sur un terrain favorable, de fomenter un échange assez intime pour qu'il débouche sur un accord tacite à prolonger la ballade. Qu'elle m'accorde juste le temps nécessaire à la mise en route des chaudières. Durant une minute je pensais à l'inviter chez moi, dans ma tanière ou aucune femme jamais n'avait pénétré. On pourrait aller vers la mer. Je lui dis. Je continuai en soulignant que c'était parfois bon d'éviter de se poser trop de questions. De cogiter à perte et de passer à côté de La Vraie Vie ou d‘un petit morceau de destin intéressant.. De Ceux que nous regrettons pour Toujours.. Mon erreur fut d'appuyer ces paroles d'un regard trop explicite et langoureux, qui pour être franc n'était que l'expression d'une furieuse envie de baiser qui me montait à la gorge, sans doute due à la proximité de sa bouche et de la vision que j'avais eu de ses cuisses tout en conduisant. Elle ne portait plus de collants. Quel bonheur.. Elle hocha la tête et se mit à grignoter son cornet sans lever les yeux. J'étais certain qu'elle était prête, toute chaude, un tout petit peu vicieuse, n'attendant qu'un ridicule amorçage de rien de tout. Un abandon volontaire et sans conséquence. Un léger coup de fouet à l'âme... Après tout ne m'avait-elle pas manifesté un intérêt sans détour le soir de notre première histoire malheureusement gâchée. Au bout d'un moment je crus bon d‘insister. Je t'invite à un petit restau sur la côte, si on démarre de suite nous serons en bord de mer juste à la bonne heure... Elle leva enfin les yeux. A Quoi ça Va nous Mener Tout Ca.. Fit-elle. Sa réaction me rendit soudainement muet. Vraiment pas ce que j'attendais. Ce n'étaient pas tant ces quelques paroles qui me désarçonnaient, mais le ton, la lassitude dans son regard, une forme d‘épuisement serein et réfléchi. La sécheresse mais peut-être l'intelligence aussi, d'une question qui me laissait sans arguments. Je crois que tu as raison. Je finis par répondre. Puis nous reprîmes la discussion heureusement, mais il n'était plus question d'aller vers la mer ou de sous-entendre que la nuit allait être longue Et Généreuse;.. Nous parlions des gens d'ici, de l'été qui arrivait, des touristes qui s'arrêtaient émerveillés sur la place principale de notre ville naine. Elle voulut m'apprendre aussi qu'une guerre de plus menaçait tout le moyen- orient, et que cette histoire l'inquiétait énormément. Elle évoqua une nouvelle scientifique révolutionnaire qui faisait la une de certains journaux. Le clonage humain est l'avenir de l'humanité. Elle conclut d'elle même alors que je paraissais ne rien comprendre à ses explications. Mais elle se gourait complètement. J'en savais bien plus qu'elle si je m'en tenais à ses conclusions somme toutes sommaires. Puis certainement plus que la moyenne des gens là dessus. Comme sur bien d'autres sujets. Seulement à la seule idée que ma bouche pouvait en parler à voix haute j'étais déjà dégoutté...


    votre commentaire
  • Je vis Salvador qui entrait en trombe et à peine je pus le saluer. Il fonçait dans le vide. Tout juste il me tapa l'épaule et dit qu'on allait boire un coup. Mais je doute qu'il m'ait vraiment aperçu. J'aurais pu laisser une photo à ma place et il lui aurait dit la même chose. Il continua sa course vers le bout du comptoir où l'attendait Michael qui mâchonnait un bout de plastique entre les dents. Les deux partirent dans un tête à tête des plus curieux, visiblement ils conspiraient. Le tête à tête dont je parle n'est pas une image. Il était bien réel puisque leurs fronts se tapaient l'un contre l'autre si j'en crois ce que je voyais de ma place. Histoire de tuer le temps je m'amusais à comparer les différences de style. Michael avait la placidité du pachyderme, que seul trahissait le bout de plastique qui volait d'un bord à l'autre de ses lèvres. Je me suis dit qu'à ce rythme il risquait bien de l'avaler et de se le coincer au travers de la gorge. Mais hormis ce détail et peut-être sa mine bizarrement pointue, le reste du corps était atteint d'une sorte de lenteur ou de paralysie. Comme si l'homme mobilisait son cerveau entier pour réfléchir à une importante question et privait d'influx nerveux l'ensemble de ses muscles, laissant sans énergie son ventre rond et proéminent tout prêt à se décrocher de la carcasse ainsi à court de ressources. Salvador pour sa part jouait l'affaire tout en paquet de nerfs. Des vagues rapides parcouraient ses membres. Des ondes vibraient sur sa figure. Sa langue devenue folle lui redessinait les mâchoires et les joues. Des gouttes de sueur perlaient sur le front. Et il se frottait et cognait interminablement le poing droit dans la main gauche grande ouverte. Le seul point commun entre les deux était le regard qui toutes les trois secondes filait vers l'entrée du bar. Je n'eus pas à attendre trop longtemps pour découvrir ce qui les mettait ainsi en transe. Heureusement pour moi. Je m'étouffais de curiosité et cinq minutes encore et j'y passais. C'était un groupe composé de trois hommes et deux femmes qui arboraient d'immenses sourires que je qualifiais immédiatement de chevalins. L'un d'eux prit le devant de la petite troupe et s'avança en tendant les bras vers Michael. Oh my friend.. How are you... Good, good... Fit ce dernier décidé à nous impressioner avec son English.. Puis il se servit de ses deux mains pour s'emparer à la fois d'un poignet et des cinq doigts qui le prolongeaient. On se congratula fort, puis l'anglais qui dirigeait la manoeuvre passa commande. Rapproche-toi. Fit Michael à mon intention. Appuyant ses paroles d'un geste large et généreux. Je me sentis d'humeur à trinquer avec une bande d'anglais en vadrouille, de ceux qui certainement fouillaient la campagne à l'affût de ce qu'ils appellent un coup de fusil, c'est à dire une grande et belle maison de chez nous au prix d'un étroit terrier chez eux. Qu'est ce que tu bois. Fit le chef des anglais en m'administrant une magistrale claque dans le dos un peu comme si on avait toujours gardé les cochons ensemble. Euh, comme vous. Je répondis à court d'idées et l‘épaule douloureuse. Alors une Guiness pour notre ami, un formidable, ou comment vous dites déjà chez vous... Je ne sais comment ils disent chez eux, mais pour moi cela signifiait dans l'éventualité où l'un ou l'autre remettait quelques tournées, de quoi m'éclater le ventre. Je suis plutôt du genre petite nature. Pas comme eux qui étaient rouges et arboraient de bonnes têtes, et donnaient l'impression de vouloir fraterniser avec la terre entière. Mon dieu, vous avez inventé aussi de telles créatures qui battent la campagne dans une joie perpétuelle. Dans quel but?... Des deux femmes qui les accompagnaient, l'une était le parfait pendant femelle du trio d'hommes, rouge avec de belles dents et une descente aussi large qu'une gouttière de toit. Une vrai descente de compétition. La seconde qui dénotait complètement, était sombre et troublante. Une belle petite poupée que je situais autour de la vingtaine, ou à peine plus. Mais loin de trente. Allez, disons entre vingt et trente.. J'étais certain de ça. Une jeunette de toute façon. J'étais tenté de la dévisager de plus près, mais elle s'obstinait à me tourner le dos, m‘obligeant vicieusement à quelques disgracieuses contorsions. Elle se plaisait dans le silence et cela je le reniflais immédiatement comme un homme de sa race, répondant à peine aux grosses blagues du groupe, et souriait comme si elle leur offrait une aumône. Ce qui ne l‘empêchait pas d‘être le centre du monde. Par quel mystère. Aussi irréelle et vivante à cent pour cent. Je reconnus immédiatement la marque des Élues;. Le sceau des anciens mystères. Plus présente à elle seule que tout le troupeau qui la cernait. J'ai ressenti alors toute ma misère. Mon indicible vergogne. Je me serais bien coupé un bras pour d'un coup me retrouver avec vingt ans de moins...


    votre commentaire
  • Lou et Gaby me considéraient d'un oeil tout neuf. Gaby spécialement qui n'avait jamais fait grand cas de ma présence vint m'embrasser et restait à mes côtés alors que je déballais une dose de sucre pour le café. Surtout je sentis que Mathieu qui poireautait à l'extérieur se rapprochait vite fait de ma place. A présent je passais au moins une fois par jour au bar des Champions profitant que j'avais toujours quelque chose à faire en ville. Ma nouvelle occupation ne me rendait pas riche, loin s'en faut, mais elle me mettait au moins à l'aise pour ce qui était de payer un verre ou régler quelques courses express à la supérette. N'empêche tout de même qu'à défaut de richesse cette situation me procurait un début de gloire, et comme je le constatais moi même. Ma valeur marchande grimpait en flèche. Bien sûr la douloureuse ironie du propos ne sortirait jamais de ma tête, je me l'étais juré, à moins que ne me reprenne encore et toujours la regrettable envie de jouer au pisse-vinaigre. Mathieu qui me léchait le coude se disait qu'à mon tour je pouvais commencer à passer à la caisse de temps en temps. Je ne t'ai pas vu hier, tu étais là... Il me demanda. Que peut-on répondre à ça. Puis il continua. J'ai croisé Salvador ce matin, je ne sais pas si tu as remarqué, la tête qu'il tire en ce moment. Tu bois quelque chose Mathieu. Je lui demandai sans lui laisser le temps d‘allonger la sauce. Mets en une aussi pour les amoureux je fis à l'adresse de Michael. Je savais qu'après une tournée j'aurais la paix pour un moment, mais déjà je réfléchissais à un moyen plus radical pour m'en sortir avec Mathieu. Je ne trouvais rien de valable et assez vite j'abandonnais l'idée en me souvenant que d'autres avaient déjà essayé pas mal de trucs sans le moindre succès. Il était réellement trop coriace. Il faut dire que j'avais presque acquis un statut social depuis que je m'occupai du journal municipal. Ce qui me positionnait au même niveau que tout le monde à présent quand je mettais les pieds aux Champions, et m'interdisait de tirer ma belle tête enfarinée qui avait pourtant le mérite de m'offrir quelques bénéfices non négligeables comme celui de boire un verre en paix. Je me devais d'être à la hauteur de l'idée qu'on allait pas manquer de se faire de ma petite personne, et bon gré mal gré je mettais à nouveau le doigt dans l'engrenage, puis ce serait la main, le bras, et pour ce qui est du reste je n'avais pas à m'en faire, ça viendrait tout seul. Comme un doux sommeil. Je ne me rendrais compte de rien. Avant le Jour où Sûrement je Péterais à Nouveau les Plombs... Je sirotai mon café express en paix pour la première fois depuis longtemps, n'éprouvant plus la gêne que je connaissais parfois quand un quidam qui aurait eu envie de faire plaisir me demandait de préciser si c'était vraiment ce que je voulais boire sous prétexte qu‘il me l‘offrait et que c‘était gratuit. Quand je commande un café, et quelle que soit l'heure de la journée ou le temps dehors, hiver comme été, il pleut, il neige; il vente ou le soleil bastonne, c'est parce que j'ai envie de m 'offrir un café et pas autre chose. Le geste empreint de pitié que prennent les employés de bistrot pour vous mettre un café sous le nez est une des choses les plus humiliantes que je connaisse. Voilà encore une de ces petites joies qui s'offre au brave gars qui marche avec les poches bien remplies. Il commande un café et il est bien dans sa peau. Léger comme l‘air dans ce monde flottant, et si on se mettait à sérieusement additionner tous ces menus privilèges on comprendrait mieux les raisons véritables qui font que tant d'individus se précipitent aussi enthousiasmés dans la longue course de rats qu'est toute vie d'honnête citoyen. Nous pouvons être sûrs que pareille étude aboutirait à une définitive autopsie de l'âme, et mettrait à jour l'inutilité de convoquer à tous moments les grands prophètes et les plus hautes sommités philosophiques pour dire ce que nous sommes et ne sommes pas, l'Alpha et l'Oméga. Le café ou le whisky. Être ou ne pas être. Je paie un coup ou c'est toi qui le paie. Et à Voile ou à Vapeur.. comment tu veux qu'on fasse, Toi et Moi.., avec ou sans vaseline... Qu'est c'tu Préfères?;. Mon Pote;.. Seul Jésus peut-être en savait autant que moi sur le sujet, lui qui à tout moment fut mis en demeure de prouver ce qu'il avançait. L'humiliation, le mépris, et les regards obliques des siens peut brûler à l'acide ou faire des miracles et entre les deux ça tient vraiment à rien. Lève toi et marche, il ordonna au paralytique qui avait destin lié avec lui. Mais Jésus aussi n'échappa pas au supplice. Le pire fut sans doute que son sacrifice n'eut aucune signification véritable, ne changea pas d'un poil le subconscient des hommes qui pousse à la douleur, au mensonge, à haïr son prochain les yeux baignés de compassion. La mort écoeurante n'a jamais quitté la scène depuis; histoire de ne pas leur donner tord, et elle est toujours là qui rôde autour des maternités, dans les lits familiaux, et bien sûr le comptoir des bistrots. Le film est écrit d'avance.. Je devinais un peu de nervosité chez Michael le patron du Bar des Champions. Ses brefs coups d'oeil vers la porte d'entrée largement ouverte ne m'avaient pas échappés. Je remarquai que la décoration avait quelque peu changé, avec des affiches de stars de cinéma et une collection de sous bock sur un mur qui ne devait pas être en place depuis longtemps. La musique celtique qui sortait d'hauts parleurs neufs avec des sons aussi moelleux que des joues de nouveau-né. Il y avait aussi de nouvelles têtes sur la terrasse. Des couples et quelques hommes seuls qui lisaient le journal. Quoique j'aurais facilement parié que tous ces gens n'étaient pas des autochtones, voila d'autres encore qui venaient s'agglutiner au feu de camp. Non pas que les natifs de la vallée nous aient mal accueillis, mais ils donnaient le sentiment de ne pouvoir réellement partager nos sujets de préoccupation. Si par exemple un promoteur avait avancé l'idée saugrenue de faire pousser des forêts d'immeubles sur les flancs des montagnes, j'aurais mis ma main au feu que les gens du crû ne se seraient pas fait longtemps prier pour lui vendre quatre-vingt dix-neuf pour cent des terrains familiaux. Ne gardant qu'un tout petit minimum pour y mettre les prochains cimetières. Ce qui revient à dire leur propre tombe. Choix inadmissible pour les voyageurs éreintés que nous étions. Mais les autochtones en général ne comprenaient pas les épanchements des nouveaux venus qui de l'eau plein les yeux évoquent le calme et la paix de bout du monde qui règnent dans le froid des soirs d'hiver et les brumes cristallines du matin. Pour ces dernières ils ne connaissent que la méchante expression de Putain de Brouillard, et inutile d'ajouter qu'il ne l'aiment pas. Somme-nous vraiment de la même espèce. Les jeunes surtout qui n'ont d'autres soucis que de se payer des voitures bruyantes pour le plus vite possible se barrer au milieu des foules. Ils n'ont en bouche qu'une unique tirade, qui revient sans cesse pour les rendre toujours plus fous, les aveugler, et qui consiste à se plaindre de ne rien trouver à faire par ici. De s'Emmerder.. A ce rythme un jour et définitivement le monde entier se transformera en parc d'attraction géant, et il n'existera plus aucun motif valable pour se plaindre de l'ennui et surtout de la maudite solitude. Les imbéciles définitivement auront gagné la partie. Je le crains...


    votre commentaire